Qui aime le dessin connaît l'œuvre de ce maître, qui depuis bientôt quarante ans représente sans relâche les muscles tendus par l'effort, les chairs meurtries par la guerre. Vladimir Velickovic interroge les limites de la morphologie avec un coup, de crayon, aussi sûr que celui du scalpel d'un chirurgien expert. La couleur, pour lui, est toujours celle du muscle palpitant, celle des viscères tièdes.

L'homme est forcément un Christ, un sacrifié. Toujours il court, forcément à sa perte. Et dans les tensions de son dos, une cartographie du désespoir s'élabore. Puis on l'attache, on le pend, on l'éventre, on le décapite. Il y a des crochets, des gibets, des croix, des corbeaux et des rats, et l'horizon comme une frontière qui, en s'embrasant, adopte le goût du sang.

"Exhiber cette énergie sombre, la capter, la capturer et la montrer en bête fauve réduite par l'artiste à l'immobilité d'une image saisissante", écrivait à ce propos Michel Onfray dans le catalogue d'une exposition parisienne, l'an dernier. Titrée Blessure(s) et dédiée par Vladimir Velickovic "à mon pays qui n'existe plus". On songe bien sûr aux planches d'anatomie et aux anthropométries conservées dans les casiers judiciaires. Et aussi au Boeuf Écorché de Rembrandt, à la Tête coupée de Géricault. Au désespoir de tous les romantiques. A la digne impuissance de tous les transis.

Françoise Monnin