Aloïse Corbaz
Depuis les observations faites au début du XXe siècle, par des poètes comme André Breton, des peintres comme Paul Klee et des médecins comme Hans Prinzhorn, et surtout depuis les travaux du peintre Jean Dubuffet, au lendemain de la deuxième guerre mondiale, la définition de l'art a profondément évolué en occident. Traditionnellement, l'artiste était celui qui avait suivi raisonnablement un enseignement classique, inspiré par les Grecs et par la Renaissance italienne. A présent, une seconde catégorie d'artistes est prise au sérieux : ceux qui se laissent guider par leurs intuitions, emporter par leurs émotions, sans connaissance ou sans respect des codes établis.
Depuis l'invention de la psychanalyse, on sait que l'esprit humain garde, cachées, des visions étranges, sauvages. Dans certaines conditions d'isolement et de souffrance (dans les prisons et les hôpitaux psychiatriques notamment), ces visions émergent, méprisant les traditions et la censure, et prennent des formes étonnantes. Couleurs vives, graphismes tourbillonnants, images taboues : l'originalité et l'intensité sont les premières qualités des dessins qui naissent ainsi.
De telles uvres ont rarement été conservées, avant le milieu du XXe siècle. Elles ne sont, d'autre part, pratiquement plus réalisées en milieu psychiatrique, depuis la même époque : l'utilisation des médicaments neuroleptiques a alors commencé à diminuer la souffrances des malades, et, du même coup, leur besoin de l'exprimer ou de l'oublier en dessinant. Ceux qui dessinent aujourd'hui dans de tels endroits le font sous le contrôle et avec les encouragements des médecins. Il s'agit moins d'expression sauvage que d'arthérapie. En la matière, parfois, exceptionnellement, une image superbe surgit.
En France, la collection ancienne de l'hôpital Sainte-Anne est la plus importante connue à ce jour. C'est cet hôpital (centre d'étude de l'Expression, clinique des maladies mentales et de l'Encéphale) qui nous prête, cet automne, 45 dessins surprenants. Ils sont extraits pour l'essentiel d'un ensemble qui vient d'être présenté à Paris (exposition de Sainte-Anne et d'ailleurs). Le choix opéré, en accord avec le Docteur Anne-Marie Dubois, s'est porté sur les représentations du corps. Un corps, souvent, transparent, au Cur duquel on distingue des fruits, des êtres, des fluides, etc. Un corps à la fois ouvert et fermé, comme celui des êtres très sensibles. Comme, aussi, celui du Transi de Ligier Richier, la célèbre sculpture de Bar-le-Duc.
Françoise Monnin
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