Michel Hass

Lorsque je lui ai parlé du Transi de Bar-le-Duc, Michel Haas m'a écrit : "ça m'a fait penser aux transis de froid, aux transis de foi, aux transis d'amour, aux transis de misère, et j'ai eu envie d'en ajouter un à tous ceux-là. Mais de Ligier Richier je n'avais rien à faire, de Bar-le-Duc non plus d'ailleurs". Michel Haas a peint son transi à lui. Un être à terre, rouillé par les pleurs du soleil. Un corps terrassé au poing levé pour l'éternité. Une masse dense, surgie du papier trempé et malaxé longuement, mystérieusement, par l'artiste. Toujours, il démasque son support à force de l'interroger. Il formule ainsi, à chaque fois, une allégorie de l'épaisseur de l'âme qui se cache sous les apparences les plus limpides.

Michel Haas refuse les évidences, passe à travers les miroirs, ignore les vernis, dialogue avec la vérité. Comme celui de Ligier Richier, son Transi est à la fois mort et vif. Déjà fossilisé, il semble encore prêt à s'ébouriffer, à craqueler la gangue du temps qui l'a recouvert sans l'anéantir. On songe à la croûte du pain, au hérisson cuit à la cendre, à l'histoire du Golem.

Le Transi de Michel Haas a cent mille ans et cela ne l'empêche pas d'être un combattant. Pas d'yeux, pas de bouche, pas de nez. C'est un fluide, une énergie, une volonté. A l'usure, cet être là a gagné en puissance.

Françoise Monnin