La reine rouge, énorme, droite, peinte par Emmanuelle Renard pour l'exposition de Bar-le-Duc, porte sur ses genoux un petit squelette. Il s'agit d'une Consolation, inscrite dans une suite de figures de mères à l'enfant, débutée par l'artiste en 1995. Il s'agit de la plus violente image de cette suite. Sans doute, les planches d'anatomie tibétaines découvertes par Emmanuelle Renard lors d'un voyage au Népal l'hiver dernier y sont-elles pour quelque chose. Dans les autres peintures et les autres gravures de cette série, l'enfant s'abandonne, fragile. Il semble un peu perdu, son visage est sans âge. Toujours, sa mère, large de robe et forte d'épaules, semble capable de lui donner les forces qu'il n'a pas.

Dans la toile pour Bar-le-Duc, l'enfant n'est plus. La reine n'en redresse que davantage son profil d'oiseau, fendant l'espace ensanglanté qui la cerne et l'imbibe. L'image est forte, impitoyable, en décalage avec l'ensemble de l'œuvre de l'artiste, qui nous a habitué à davantage de grâce, de non-dit.
Depuis quinze ans Emmanuelle Renard peint des attentes, des croissances silencieuses, des séparations inévitables, des métamorphoses monstrueuses mais toujours élégantes. Les lignes virtuoses, intensément noires, qu'elle trace, se développent et s'enroulent comme des jeunes pousses calcinées, des mots calligraphiés sur une terre sèche. La Consolation du Transi accuse tous les assassins du monde. Et, notamment, le destin.

Françoise Monnin