"J'ai fait une chose que je ne fais jamais : j'étais tellement noir, couvert de poussière de pierre noire, lorsque j'ai eu terminé de préparer les fonds de mes trois dessins, que j'ai été obligé de me laver avant de commencer à dessiner avec mes doigts", dit Richard Laillier. C'est la première fois, en effet, qu'il s'attelle à de si grands formats. Son œuvre étrange, confidentiel, se décline d'habitude dans des limites intimistes, qui donnent la sensation à celui qui regarde ses images de le faire à travers un trou de serrure, une fente de rideau.

Pour voir quoi? Une silhouette, toujours, une présence caressée, accusée seulement par un rai de lumière. Un nu érotique, une apparition ténue, une volute, un rêve... Richard Laillier parle de dessin. En fait, il s'agit de gommages. En enlevant la matière il fait surgir la forme. Ici, juste un mollet, là, rien qu'un coude, toujours, une chair imberbe et intemporelle. Un corps impénétrable, atmosphérique.

"Pour le Transi, j'ai imaginé trois états d'un corps dont le haut est vu de dos et le bas de face. Double. Car beaucoup de choses sont doubles dans le Transi. Il est vie et mort, plein et vide", dit encore l'artiste. Ses trois transis semblent cependant surgis du sol naturellement, lentement, tels des stalagmites. Comme chacune de ses œuvres, il s'agit de révélations.

Françoise Monnin