…comme autant
de tensions entre
réel et fiction.
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Ce qui est entre, entre les choses, entre-deux, entre les êtres, ce qui nous relie au monde, à l'espace indicible de la présence d'une chose et de sa projection. Quel est la nature d'espace qui peut nous faire basculer d'un monde d'apparence, à celui d'un monde illusionniste ?
Repensons à Alice aux Pays des Merveilles et songeons un instant que Sandra Musy nous fait traverser une autre forme de ligne d'horizon. Installation, performance, sculpture sont conduits de façon à articuler une permanente ambivalence entre l'un/l'autre, le haut/le bas, le stable/l'instable, le vertical/l'horizontal, le plein/le vide, le dessous/le dessus, le motif/l'abstrait, la présence/l'absence, le visible/le caché, la marche/la posture… Jeux d'équilibre, fragilités et doutes que ces multiples dualités conjuguent pour inviter l'individu a composé des circulations qui recréent le fil unissant les différents éléments de l'œuvre.
Car ce lien existe, il est particulièrement ténu, une frange souvent délicate qui s'apparente à ce que Marcel Duchamp nommait l'inframince qui conduit à penser l'œuvre comme un objet particulièrement soumis à l'étendu et la complexité de la perception de chaque spectateur.
Niveau 1, niveau O, le plancher est suspendu à hauteur plus ou moins d'une ligne d'horizon, dans lequel sont encastrées deux chaises se faisant face : le niveau du regard est soit juste au dessus ou juste en dessous, insurmontable scène d'un spectacle qui aurait pu avoir lieu mais dont les acteurs auront d'un coup disparu, enchantement ou désenchantement d'un monde qui se soulève.
Une palissade brute s'offre à nous tel un écran protégeant un secret : s'approcher et regarder entre les lattes pour que se dévoile un autre territoire composé de motifs finement découpés qui se dessine comme une ombre portée. L'illusion d'un monde à inventer que Sandra Musy dispose comme autant de tensions entre réel et fiction.
Estelle Pagès Paris, février 2003
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