Intimité
Chambre
Illusion
Mystérieuses
Mues
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C’est sans doute à une réflexion sur l’intimité que nous convie Denis Pondruel avec l’installation “Chambre/ Istiklal Cad” qu’il présente à la Maison de la Culture d’Amiens.
Étrange évidemment cette chambre accrochée dans une rue d’Istanbul, comme le refuge d’un sans-abri croisé sur un trottoir, un isolement parfaitement public qui nécessite un simulacre de performance pour être enfin atteint.
Ces marcheurs projetés sur un immense écran semblent hésiter à passer sous sa “fenêtre”, mais leur pas syncopé ne vient pas de leurs états d’âme mais des disponibilités du réseau web qui retransmet l’image en direct. Présents malgré les hésitations de leur marche, et si flous, si plats qu’on a peine à croire qu’ils sont vraiment en train de déambuler dans cette rue d’Istanbul sous nos yeux.
Cette chambre de Denis Pondruel a endossé la forme qu’il promène depuis des années dans ses différentes propositions d’espace. Bateau, ogive ou fer à repasser, le référent importe peu, mais la forme, elle, est imposante. Présente, massive et élégante, elle a longtemps été fabriquée en métal comme dans “Poncif habitable”, présenté dans le hall d’entrée de la Maison de la Culture d’Amiens, où elle investit en creux l’intérieur d’une voiture, carcasse dans la carcasse, absence dans cette illusion d’espace intérieur. La “Chambre”, elle, est en résine, immaculée, perchée en haut d’un échafaudage que l’on découvre en faisant le tour de l’écran de projection. Si un homme s’y glisse et s’y cache, c’est sans doute une illusion tant il disparaît parfaitement dans ce petit espace lumineux. Il n’en ressortira d’ailleurs pas, comme la dame pulpeuse des numéros de prestidigitation.
La suite de la représentation est au rez-de-chaussée, dans une salle obscure et surchauffée. On y découvre une banale cage grillagée affublée de deux excroissances serpentines en résine blanche.
Deux énormes pythons emmêlés y digèrent interminablement leur repas hebdomadaire. Le rêve est un peu pesant, bloqué par ces petits méandres inaccessibles.
Il reste que les œuvres de Denis Pondruel sont toujours mystérieuses, poétiques et souriantes, qu’elles posent des questions informulables mais essentielles, et qu’on ne peut rien conclure, juste les revoir.
Le public, lui, met un peu de temps à réagir, mais on espère que l’artiste entendra ses applaudissements longtemps, comme un écho, dans sa chambre à "repasser les mues"
Sylvie de Meurville.
Chambre 386 à Amiens.
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