Rupture ou non ?
L'art contemporain
plonge ses racines
dans la tradition
des plus grands noms
de l'histoire de l'art
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Rupture ou non, l'art du 20ème siècle suscite bien des questions. Alors que Umberto Ecco prétend que nous sommes entré dans une période de récession culturelle moyenageuse, Alain Fiekelkraut pense que la situation est encore plus grave : au Moyen Age, les clercs ( prêtres et moines) tentèrent de sauver les acquis de la civilisation face à une population ignorante et brutale, alors qu'aujourd'hui, ce sont les clercs (professeurs, philosophes et guides de la pensée) qui veuelent détruire la civilisation. Ils agissent par la force du pouvoir qu'ils se sont arrogés sur les barricades de la contestation pour obliger le peuple à abandonner ses valeurs traditionnelles.
Comme en echo à ce dilemne, la fondation Beyeler a chargé Verena d'écrire le 3ème volet d'une trilogie qui, après Matisse et les Constructivistes tent à montrer, à partir des oeuvres de la collection, mais aussi un ensemble impressionant de prêts provenant de collections privées ou de musées célèbres, que l'art contemporain, jusqu'à ses expressions les plus nouvelles, plonge ses racines dans la tradition des plus grands noms de l'histoire de l'art.
Ainsi l'inspiration d'artistes tels que Rothko, Dubuffet, Jasper Johns, Yves Klein, Cy Twombly, mais aussi les tenants de "l'Impressionisme Numérique", nom créé à l'occasion de cette exposition, de Rymann à Shigeko Kubota, Nam June Paik, Keith Sonnier, Gary Hill, Pipilotti Rist et les autres, serait issue de Monet.
Curieux moment où ceux qui prétendent ouvrir de nouvelles voies à la création se voient légitimer par des figures du passé.
La qualité et le choix judicieux des oeuvres, magnifiquement présentées dans un bâtiment signé Renzo Piano étaye la démonstration. Mais enfin, si les impressionistes et Monet se basaient sur les plus récentes découvertes scientifiques ( loi de Chevreul) pour représenter la nature, les suiveurs que seraient selon les responsables de l'exposition Anselm Kiefer, Mitchell, Riopelle, etc… ont-ils voulu être seulement des post-impressionistes ?
Comme Niklas Luhman l‘écrit dans son essai "L'art dans la société" ( 1994), "la question est de savoir si l'art est imitation ou création". Plus loin il précise que "le système artistique est en réalité le modèle de la société. Le futur n'est pas l'avenir du passé, il est son imprévisible. Il en est de même pour la société".
L'art ne saurait dans ses conditions être réduit à un fil continu. Il y a des ruptures que les sociétés, et donc l'art doivent assumer.
Bernard J. Blum, avril 2002
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