Quel regard vous portiez sur un bâtiment qui date de vos premières années darchitecte ?
Je nai jamais eu loccasion de méloigner de Beaubourg. Je travaille ici, à Paris, à seulement quelques rues de ce lieu. Je nai donc jamais quitté le lieu du "délit". Jai toujours participé à son évolution. Je nai jamais eu loccasion de méloigner pour avoir une sorte dobjectivité critique. Beaubourg est un bâtiment flexible et dès les premières discussions que jai eues à propos de sa rénovation, nous avons décidé de supprimer un certain nombre de murs parasites. Nous avons aussi convenu quil fallait agrandir les surfaces. Il fallait aussi doter le forum dune capacité daccueil plus grande notamment pour les réunions. En 25 ans, les temps ont changé. Il y a eu aussi cette volonté de créer une entrée pour la bibliothèque différente, chose dont je ne suis toujours pas persuadé du bien fondé aujourdhui. Laspect assez utopique de lespace tel que nous lavions conçu avait disparu au cours des années sous les assauts des conservateurs toujours désireux de mettre des cloisons entre lextérieur et les uvres. Redonner de la transparence fut aussi une de nos préoccupations premières.
Pourquoi Beaubourg a-t-il aussi mal vieilli ?
Tout le monde minterroge à ce sujet. Cest lassant. 25 ans de vie intensive, 150 millions de visiteurs, cela signifie que le bâtiment a bien vécu. Seulement 10 % (50 millions) du montant des travaux a été utilisé pour lentretien. Or, durant de nombreuses années, on avait très peu fait sur le bâtiment. Il faut aussi dire que certains points de rouille étaient simplement dus au fait que les éléments de protection que nous avions prévus navaient pas été placés. Cest aussi simple que cela. Rien nest jamais tombé. Sur les 40 débuts dincendies de lhistoire du centre aucun ne sest développé car les machines ont toujours parfaitement fonctionné.
Quelles leçons aviez-vous tirées de Beaubourg à lépoque notamment en termes de vocabulaire architectural ?
Les gens nont jamais compris que Beaubourg nétait pas le symbole de la technologie mais une parodie. Cest évident, on avait poussé lironie jusquà lextrême.
Beaubourg objet kitsch ?
Non, pas un objet kitsch mais une sorte de feu dartifice du monde de la mécanique. Beaubourg nest pas un geste triomphaliste.
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Beaubourg était à lépoque un geste politique fort. Il y a quelque temps vous avez réalisé un autre geste politique : le centre culturel Tjiba à Nouméa. Quelle différence entre ces deux projets ?
Nouméa, cest un projet que lon peut qualifier de limite en termes darchitecture. Ici, cétait le refus de certains modèles et de certains clichés. Nouméa, cest un lieu profondément enraciné dans la mémoire et dans la culture du Pacifique. Cest un espace pour des cultures reposant sur léphémère, sur lidée du geste qui se répète, sur la légèreté, le temporaire, le son ... Nouméa cest immatériel. Cest la poétique de la légèreté et de léphémère. Beaubourg cest linverse. La différence entre les deux, cest surtout que jai plus de métier. Avec Beaubourg javais 33 ans. Jétais un gamin. Nouméa cest un projet plus subtil.
Comment avez-vous organisé cette exposition ?
Dans ces uvres il y a toujours la ville. Il y a toujours les gens. La ville y apparaît comme métaphore de la vie. Cest pour cela que lexposition présente de multiples facettes de mes recherches, de mes expériences. Le sensible correspond au décor, si toutefois on peut encore parler de décor dans larchitecture contemporaine. Cest aussi la trace de la main sur le bâti qui dans mon cas se veut toujours lexpression de la légèreté, de la vibration de la lumière sur le bâtiment. Cest pour cette raison que lexposition montre également les matériaux. Je suis très attaché aux matériaux, le bois, la terre cuite.
Comment jugez-vous lévolution de la ville européenne avec cet incroyable accroissement des banlieues, avec lapparition de polycentralité, avec le déploiement de flux informatiques ?
La grande utopie de larchitecture consiste à croire que larchitecte est en mesure dintervenir face à ces phénomènes. Jappartiens à cette utopie. Sans cet incroyable moteur, je ne continuerais pas à exercer mon métier. Dans cette exposition, vous pouvez voir quelques projets qui ont une dimension bien plus vaste que la simple construction dun bâtiment. Il est vrai que la ville a implosé. Désormais ce nest plus cet ensemble plus ou moins cohérent formé par la révolution industrielle. Aujourdhui, la plupart des projets que je conduis ont à voir avec la notion de périphérie urbaine. Aussi dans le cadre de mes fonctions dambassadeur de lUnesco pour la ville, jai proposé et jai obtenu de transformer les périphéries urbaines en patrimoine de lhumanité.
Damien Sausset
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