Art et Machines
Une imposture ?
Julia tinguely-Batten
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Laura Henno
 

Jean Tinguely (1925-1991), Cyclograveur, 1960
Welded scrap metal, bicycle elements, sheet metal, drum and cymbal, book : 225 x 410 x 110 cm
Kunsthaus Zürich; Gift of the artist 1986, © 2008, ProLitteris, Zürich, © Photo : André Morain, Paris

Le musée Tinguely de Bâle, une institution fondée et soutenue par le géant pharmaceutique Roche, se signale toujours par des expositions qui attirent l'attention. Cette exposition "Art et Machines" (en allemand Kunstmaschinen, Maschinenkunst) ne fait pas exception. En effet, partant des œuvres de Jean Tinguely, telles que Méta-Matic, des machines à dessiner construites dans les années 60, Heinz Stahlhut  et Katharina Dohm (Schirm Kunsthalle de Francfort) ont sélectionné un ensemble de jeunes créateurs dont les "machines" produisent des œuvres plastiques. Mais, quant à prétendre que ces machines produisent de l'Art, voilà toute l'ambiguïté, voire l'imposture. Car s'il ne fait aucun doute que certaines œuvres relèvent effectivement de l'art, éventuellement dans son sens propre, les productions automatiques ou issues de l'intervention maladroite de participants externes inexpérimentés peut être, mais sans formation artistique sans doute, ne peuvent se prévaloir d'être des œuvres d'art.

Jamais Jean Tinguely n'a prétendu que ses "machines" produisaient de l'art et il a constamment refusé de donner la moindre valeur au résultat aléatoire des graphiques produits. Il y a sans doute un côté ludique à voir des instruments des plus incongrus "produire" (ou parfois détruire) de façon quasi automatique des dessins ou des objets. Mais si le jeu peut être Art, son résultat ne l'est pas, même si, de façon à devenir encore plus ambigu, certains artistes, comme Damien Hirst ou Olafur Eliasson laissent "estampiller" les feuillets emportés par les visiteurs. Contrairement au concept du Multiple par lequel un artiste produit de façon industrielle un objet ou une œuvre voulue ainsi, les produits élaborés ici ne peuvent se prévaloir du statut d'œuvre d'art. De même, il faut n'avoir pas vu quels soins prenait James Pollock en réalisant ses œuvres, pour assimiler cette production à l'Action Painting. Cette problématique n'a naturellement pas échappé aux protagonistes de l'exposition qui posent plus de question que de réponse.

L'exposition vaut cependant le détour, afin de pouvoir juger de l'ingéniosité d'artistes mués en ingénieurs ou informaticiens…
 
 
Bernard Blum
Bâle, mars 2008
 
 
 
Museum Tinguely, un engagement culturel de Roche, Paul Sacher-Anlage 1, Postfach 3255, CH-4003 Basel, tél. : +41 61 681 93 20, www.tinguely.ch

Catalogue : Kunstmaschinen Maschinenkunst. Réd Katharina Dohm, Heinz Stahlhut, Max Hollein et Guido Magnaguano. Préface de max Hollein et Guido Magnaguano. Ed. allemande et anglaise, env. 160 pp, 130 ill. couleur et noir&blanc, Kehrer Verlag, Heildelberg. ISBN 9 783939b583400 (CHF 49)

Lire aussi : Eléments mobiles. Formes de l'art cinétique et Hannah Höch, La chimère de l'engagement politique

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