Christian Marclay
 
 
 


 
"Je veux que
mon œuvre
porte sur
le sonore,
mais elle
ne doit pas
nécessairement
avoir rapport
à la musique"

La collection Lambert en Avignon propose la première rétrospective en France du suisse new yorkais Christian Marclay (49 ans). L'exposition qui a été organisée par le Hammer Museum, a également été présentée dans deux autres musées américains, au Bard College Center for Curatorial Studies, New York, et au Seattle Art Museum. Trois présentations ont été choisies pour l'Europe, en été 2004 en Suisse, au Kunstmuseum de Thoun, à l'automne 2004 en France à la Collection Lambert en Avignon, puis enfin au printemps 2005 en Angleterre au Barbican Center de Londres.

Christian Marclay est un musicien. Il part très jeune pour les Etats-Unis, où il fonde un groupe en 1979, "The Bachelors", en hommage aux Célibataires de Marcel Duchamp. Il a également joué avec David Moss, Elliott Sharp, John Zorn, Fred Frith, Arto Lindsay, au Mudd Club et au Pyramid (New York, 1983), comme au festival Sonar (Barcelone, 2002). Pourtant le son, le "matériau son" reste limité dans l'exposition ou toujours accompagné de l'image. L'artiste va traverser le son par l'image. La musique est un matériau. La technologie l'a transformée en objet, et une grande partie de mon travail porte sur cet objet autant que sur la musique. […] On ne pense pas nécessairement à la musique en tant que réalité tangible, mais elle a des manifestations tangibles. Ce peut être aussi une illustration, un tableau, un dessin. Il rajoute : "Je veux que mon œuvre porte sur le sonore, mais elle ne doit pas nécessairement avoir rapport à la musique."



La première partie de l'exposition est silencieuse, Christian Marclay développe des pièces où la sculpture naît du son. Ainsi The Beatles (1989), est un coussin houssé d'une bande sonore crochetée de tous les enregistrements du fabuleux quatuor des Beatles. Au mur, l'association de différentes pochettes de disques forme le manche d'une guitare ; trois pochettes déchirées et recomposées dans un collage donnent à Michael Jackson une énième physionomie : son visage, mais le torse d'une chanteuse noire et la jambe d'une blanche et Jim Morrisson quant à lui, prend une pose hindoue, via un bras piqué chez Cat Stevens, l'autre chez Diana Ross, et deux jambes culottées chez Santana. On retrouve aussi des pochettes de vinyle peintes ou le célèbre album blanc recouvert de bouts de chansons des Beatles au stencil. En modifiant les enveloppes de disque, l'artiste dit réfléchir sur la fonction sociale de la musique.

Les sculptures plus récentes prennent la forme d'instruments de musique impossibles car ces instruments sont techniquement inutilisables : Drumkit est une batterie reposant sur des trépieds surdimensionnés, à quatre mètres du sol, Virtuoso montre un accordéon long de sept mètres. La superbe installation Tape Fall captive le spectateur. Un magnétophone diffuse en boucle un enregistrement d'eau clapotante, tandis qu'une bande tombe en cascade sur le sol et forme une montagne grandissante. L'expérience simultanée du son de l'eau clapotante et la vue de la bande magnétique en train de tomber se mêlent en un tout insécable. On retrouve aussi de nombreux objets, moins intéressants, réalisés à partir de vinyles.



Les rares vidéos sont superbes : on retiendra Guitard Drag. Une guitare électrique "Fender Rollercoaster" est tirée par un "pick-up". Le camion roule sur les routes texanes. L'ampli étant branché sur le véhicule, on entend le son de la guitare. La pièce vidéo est une réponse directe à l'exécution raciste de James Byrd, assassiné de la même façon sur les routes texanes en 1998. La violence de la vidéo est singulière, l'image de la guitare qui se déchiquette est un écho sonore et visuel d'une violence qui a dû être sanguinolente visuellement. Dans Video Quartet , chef d'œuvre de l'exposition, Marclay puise des dizaines d'extraits pour constituer une pièce sur quatre écrans juxtaposés. Ces fragments cinématographiques (Psychose, Woodstock, Delivrance, Poltergeist, etc.) telle une performance musicale font office de concert. Des personnages jouent de la musique (Rubinstein), des acteurs musiciens (les frères Marx), des chanteurs (Julie Andrews), des acteurs interprétant des musiciens, ou des bruits «performés» (un papier jeté à l'eau, des claquettes, le bruit d'un robinet), se mêlent, se distordent, s'harmonisent dans un spectacle visuel et sonore. Il s'agit bien de spectacle.

Christian Marclay est un plasticien qui s'interroge sur des notions de compilation et d'inventaire ce qui n'est pas sans rappeler l'exposition qui suit, celle de Sol LeWitt. L'artiste transcrit la forme plastique au son. On peut dire qu'il est dans la suite du travail du travail de John Cage, un conceptuel du sound art. Il utilise aussi bien le matériau son que les vinyles, les pochettes de disque, la symbolique des objets du son par de nombreux média : la vidéo, la performance, le collage, la peinture, l'installation… Il s'approprie le matériau son, par un travail de recyclage, de détournement, de re-création.

Clément Nouet
Avignon, janvier 2005

  

Collection Lambert en Avignon, Musée d’art contemporain,
5, rue Violette, 84000 Avignon
Expositions
Sol LeWitt et Christian Marclay,
du 30 octobre 2004 au 16 janvier 2005,  www.collectionlambert.com

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