Sergiu Zancu, une élégie peinte, exporevue, magazine, art vivant et actualité
Sergiu Zancu
une élégie peinte
 
 
Il mise

sur la

sensation

comme

un autre

artiste

mise

sur

l'intellect

Sergiu Zancu
 
© Sergiu Zancu. Du cycle Territoires
 
 
Où en est-on de la peinture abstraite aujourd'hui ? … Les enfants naissent dans les choux, n'est-ce-pas ?
L'artiste répond :
"Je suis lent. J'ai toujours été un peu en retrait par rapport aux exigences d'avant-garde."
A-t-il peur de la nouveauté ?
Apparemment non. Il s'est jeté à l'eau depuis longtemps. Il dit vouloir rester fidèle à lui-même, persuadé que l'expérience de la peinture doit être éprouvée physiquement. Il lui faut sentir.
Être au monde lorsqu'on a appris à manier le pinceau devient une mission à part, pour lui, l'épreuve de la sensation.
Il mise sur la sensation comme un autre artiste mise sur l'intellect.
Sentir n'est pas une attitude contemplative. C'est une passion de l'âme, une émotion individuelle. La sensation désigne aussi cette attitude que certains artistes ont par rapport aux choses qui les entourent et dont ils interrogent le sens. En peinture, un parti pris des choses.
Peindre la sensation, c'est suivre comment et où est elle est à l'œuvre pour permettre à l'artiste de s'accorder au monde. L'esprit est là pour la reconnaître, le geste permet sa matérialisation.
 
 
Sergiu Zancu
 
© Sergiu Zancu. Du cycle Territoires
 
 
Il est arrivé à l'abstraction par expérience. C'était son "Saut dans le vide" existentiel. Moins radical que celui d'Yves Klein, mais pour lui, aussi nécessaire.
C'était un choix de peintre arrivé à la maturité du trait et de la couleur.
Il voulait passer à quelque chose d'autre. Transpercer l'image des choses, atteindre leur présence enveloppante.
Peindre ce qu'elles sont lorsqu'elles vous assaillent, émeuvent et bouleversent. Probablement c'est pourquoi Sergiu Zancu a longtemps peint des paysages, c'est-à-dire, les images de la nature.
Il a passé son enfance dans une petite ville européenne de la Moldavie Roumaine tout entourée de collines, vivant au rythme des saisons. Cette bourgade arrachée à la violence et à la beauté surhumaine de la nature. Mais la nature est là, fascinante. L'œil - fût-il éduqué - s'en souvient. C'est elle seule qui rappelle à l'être sa profonde appartenance au fond dont il émerge. Tout sentiment est, en quelque sorte, sentiment de la Nature, observe André Breton. Mais la nature est aussi ce microcosme à l'intérieur d'elle-même. Le ventre d'un fruit. La nourriture. Au cours des ans, Sergiu Zancu en est devenu très sensible. Une de ses toiles, peut-être son autoportrait psychologique, s'intitule "Je suis un habitant." À ce propos, un de ses amis poètes a composé ces jolis vers : "Avec la tête, je pousse les épluchures de l'oignon, et des pommes de terre, et je fais ma demeure. Je suis un habitant."
 
 
Sergiu Zancu
 
© Sergiu Zancu. Du cycle Territoires
 
 
Pas pour rien qu'il a peint aussi des visages. Le visage est paysage. Là encore, ce n'est pas le contour d'une image qui l'intéresse, mais les forces en mouvement qui l'animent. Entre la figuration et la non-figuration, comme le combat de Jacob avec l'Ange, l'artiste fait preuve de lyrisme.
En 2005, dans une série dédiée au chef d'orchestre Sergiu Celibidache, il arrive à peindre l'émotion débarrassée de toute anecdote à travers une gestualité fluide. Un souffle immatériel, quelque chose comme de la buée teintée.
Dans plusieurs de ses toiles, l'aspect dématérialisé, à peine effleuré par la couleur pastel, laisse pressentir son goût intime pour la calligraphie japonaise.
Depuis plusieurs mois, les caprices de son geste, il les confie sur des petits carrés, comme sur une éphéméride ouverte sur les intimités de son âme.
Sergiu Zancu approche les choses avec une tendre émotivité. Parfois timide, il fait de l'ensemble de ses toiles une élégie peinte.
Ileana Cornea
Paris, juillet 2006
 
Sergiu Zancu
 
© Sergiu Zancu. Du cycle Territoires
 
Sergiu Zancu
 
© Sergiu Zancu. Du cycle Territoires

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