Wrong Attitutes? au Centre Culturel de Taiwan à Paris, exporevue, magazine, art vivant et actualité
Wrong Attitutes?
Fausses Attitudes ?
 
 
Une exposition organisée par Manray Hsu et Maren Richter au Centre Culturel de Taiwan à Paris.
qui, quoi

décidera si

l'attitude

est bonne

ou pas et selon

quels critères

et quelles

conséquences ?

 
Tsui Kuang-Yu, the welcome rain folling from the sky, vidéo 1'1"
 
 
À Paris, il est fréquent de s'observer dans la rue, dans le métro, d'un quai à l'autre on se regarde, cela fait partie des codes inavoués de la capitale. On s'affiche et en même temps on a l'impression d'être scruté, et ainsi par effet de mimétisme on fait de même, comme si quelqu'indice, un habit ou une attitude renseignait sur la personne regardée.
Que ce soit à Berlin, Paris ou à Taipei, même si l'habit ne fait pas le moine, la question des attitudes justes ou fausses peuvent avantager et ou mettre en danger la personne. Le titre de cette exposition, provoque des réactions à un moment où les notions de représentations sociales sont plutôt tendues, tout particulièrement en France en ce moment (1). L'exposition Wrong Attitudes? des deux artistes choisis Tsui Kuang-Yu et Su Hui-Yu a le mérite de nous rappeler qu'on n'est pas toujours à sa place. Comme s'il y avait toujours lieu d'être à une place pré déterminée pour exister. Ainsi, il semble que pour acquérir une certaine cohérence il convient d'incarner des rôles, selon quels codes et pour qui ? Les questions que nous posent l'exposition de ces deux artistes émergeants nous renvoient à la place de la personne dans la société et à celle bonne ou mauvaise qu'on veut bien lui accorder.

À Taiwan, comme partout ailleurs, porter tel ou tel costume renvoie nécessairement à une fonction précise dans le monde du travail comme dans celui des loisirs. Dans celui de l'adolescence aussi, il semblerait aussi que le fait de ne pas incarner de style ne donnerait pas la reconnaissance espérée… À Taiwan, on parle de la génération des "fraises", de la jeunesse dorée qui a des exigences de consommation particulièrement élevées. Les deux artistes de l'exposition Tsui Kuang-Yu et Su Hui-Yu qui appartiennent à cette même génération ont choisi d'inscrire dans leur travail ces questions de la représentation. Le choix du titre de cette exposition n'est donc pas un hasard dans le lieu de représentation culturelle d'un pays aussi riche et complexe que Taiwan. Cette "province rebelle" selon Pékin est aujourd'hui aux prises de complexes choix politiques et culturels qui échappent bien souvent à l'étranger, mais qui demeurent néanmoins très problématiques pour ses habitants et sa croissante diaspora, partagée elle aussi entre la bonne et la mauvaise attitude à avoir face au continent.

Choisir le titre d'exposition Wrong Attitudes? révèle ainsi qu'une bonne chose implique logiquement une mauvaise. Comme si ces artistes vivaient dans un monde où l'alternative ne peut exister. De cette dialectique de la re/présentation, qui, quoi décidera si l'attitude est bonne ou pas et selon quels critères et quelles conséquences ? Cette exposition met ainsi en relief le niveau de cynisme de la société qui est ici incarné avec beaucoup d'humour et de distance dans le travail de ces deux artistes taiwanais émergeants.

Si comme le soulevait déjà en 1969 Harald Szeemann dans l'exposition historique When Attitudes Becomes Form, la forme serait-elle donc le résultat de certaines Attitudes dans le travail de ces artistes taiwanais, tous les deux formés à Taiwan et qui montrent ensemble pour la première fois leurs travaux en France ?
 
 
Su Hui-Yu
 
Su Hui-Yu, endless recalling-no
 
 
Su Hui-Yu travaille à partir de son propre environnement. Il se fixe des contraintes et fixe l'attention sur l'intensité des espaces d'habitation, comme dans une de ses premières vidéo- performances intitulées Happy Space, 2002.
Même s'il est souvent fait référence aux grands réalisateurs taiwanais, Su Hui-Yu fait le constat que le cinéma taiwanais est plus connu à l'étranger qu'à Taiwan même et que sa génération n'a pas réellement eue l'occasion d'en "bénéficier". Su Hui-Yu s'est surtout nourri de la culture télévisée, celle dite "mauvaise" et que sa connaissance du cinéma est plutôt ancrée dans les soap-films de la sous-culture américaine (post Hollywoodienne) qui véhicule avec elle les archétypes et codes d'un pays qui durant de nombreuses années a défendu Taiwan. Ce qui est certainement le plus emblématique chez cet artiste, ce sont ses autoportraits où il incarne tous les rôles imaginables, allant de la victime, de l'amant, au mafieux, en passant par le kamikaze, l'étudiant ou la petite-fille. Pour lui, comme beaucoup de ses contemporains, il n'y a pas de différence entre la notion de performance et l'art vidéo : il considère cette question plutôt comme un problème occidental. Su Hui-Yu appartient à cette génération qui déplace les codes et appropriations en infiltrant et en opérant dans les espaces de représentation comme dans Super-model ou Bad 2005 qui renvoie au phénomène du pouvoir de la starification des personnes via les médias. La présentation de Bad dans le Centre de Représentation de Taiwan à Paris fait ici tâche, rien n'est laissé au hasard. L'installation de Bad met en relief la dualité inextricable d'une jeunesse incarnant Michael Jackson et ses fans dans le parking situé sous le Mausolée de Tchang Kai Tchek, haut représentant du pouvoir de l'Ile sur le continent. De la relève de la garde à celle du remake filmé avec les moyens du bord, le décalage voulu en quête de la bonne attitude, interroge les formes même de la représentation du Pouvoir militaire et du Show-biz au même niveau.
 
 
Su Hui-Yu
 
Su Hui-Yu, endless recalling-no
 
 
Tsui Kuang-Yu, d'une tout autre façon a la volonté de se rapprocher du "Home-movie" plutôt que du ciné, ses vidéos sont de véritables slap-stick (2), qui théâtralisent la vie quotidienne. La fonction de ces mini scènes est accentuée sur ce qui fait gag avec un sens tout particulier du moindre détail dans la façon de jouer, dans le jeu de la caméra ou du son, rien n'est laissé au hasard, si ce n'est l'incidence toujours inattendue d'un geste dans l'espace. L'artiste est au centre de l'action, comme vecteur d'identification qui révèle autant l'architecture que les éléments de la Nature ou du monde urbain. Ces mini scènes sont effectivement souvent tournées en extérieur, comme lorsqu'il mime un arbre (Mimicry, 1996). Il avait déjà ici cette façon toute particulière de s'autofimer selon une prise de vue plongeante sur ces petites scènes qui révèlent à la fois l'insistance, la ténacité d'un sujet comme celui du «Spring Action », qui revient à sauter sur plusieurs matelas alignés sur l'eau. Cet artiste perfectionniste cherche le geste juste, comme celui de la vraie vie où les gens exercent plusieurs métiers ou activités: être taxi-driver, vendeur chez 7/11, arroseurs de plantes, pratiquer le Qi Cong, faire les soldes, le touriste, etc. L'action y est accélérée, tout est pris au même niveau d'exagération de la tête aux pieds comme si on passe d'un job à un autre. …. Tsui Kuang-Yu travaille avec une précision implacable, à la Charlie Chaplin et va plus loin en inversant les actions, c'est-à-dire que ce n'est plus lui qui va se cogner la tête sur les boîtes aux lettres ou contre le métro, mais les choses vont aussi être lancées sur lui, et il devra ainsi en percevoir les éléments (cf. Perceptive, 2001). Dans la même veine, on ne pourra évidemment s'empêcher de parler de ce qui est vraiment très mal (Wrong), dans le fait de vomir dans des espaces publics : sur la passerelle d'un train de banlieue, sur un banc, etc. (cf. Spontaneous, 2001).

Dans le registre des mauvaises attitudes, l'artiste joue tout simplement au bowling et lance sa balle de golf Bowling in the City ou London Green, ni les pigeons ni les golfeurs ne manqueront pas de se rappeler Tsui Kuang-Yu et ses attitudes déplacées dans un monde où le leitmotiv est : Just do It!!

Cette exposition Wrong Attitudes? a été présentée astucieusement dans le seul espace de représentation culturel de Taiwan, un lieu unique qui semblerait aujourd'hui vouloir activement montrer ses contemporaines bonnes et mauvaises attitudes comprises, bravo, cela marque à immense désir de liberté qui n'a jamais été aussi encouragé qu'en ce moment sur l'Ile de Taiwan.
Cécile Bourne-Farrell
Saint-Ouen, mars 2007
Su Hui-Yu
 
Su Hui-Yu, happy 22

Wrong Attitudes? Centre Culturel de Taiwan, 78, rue de l'Université, 74007 Paris, www.ccacctp.org

(1) Référence aux émeutes en banlieue parisienne, novembre 2005
(2) Comédie burlesque

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