Les visiteurs
 
 
Les collections publiques se dévoilent au grand public au sein de sites historiques.
Etroite

connivence

entre

patrimoine

et

création

contemporaine

Gérard Garouste
 
Gérard Garouste "les ellipses" au Panthéon
 
 
L'opération nationale "Les visiteurs", œuvres d'aujourd'hui dans les monuments nationaux est une manifestation du Ministère de la Culture et de la Communication, organisée par le Centre des Monuments Nationaux, la Délégation aux Arts Plastiques, le Centre National des Arts Plastiques et de la Direction de l'Architecture et du Patrimoine. Elle se déroule du 25 juin 2005 à l'automne 2006.

Cette initiative démontre une étape importante dans un programme qui se développera au fil des années. Le public aujourd'hui est plus apte à regarder la création artistique à l'intérieur des monuments historiques. Certains châteaux sont déjà devenus des centres d'art contemporain actifs, comme le château d'Oiron (Deux-Sèvres), des Adhémar, de Suze la Rousse (Drôme)… Au départ, l'idée était décriée, dix ans plus tard, l'incrédulité subsistait, maintenant le public est devenu curieux et la demande s‘accentue. Faire accepter les arts actuels à bon nombre de personnes est dorénavant sur la bonne voie ?

Une vingtaine de châteaux, abbayes, forteresses, palais, placés sous l'égide du Centre des Monuments Nationaux, accueillent un ensemble d'œuvres parmi les plus exceptionnelles, acquises ces dernières années pour le Fonds National d'Art Contemporain. Elles sont réunies autour de thématiques liées à l'esprit des lieux, avec des cartes blanches données à certains artistes.

Chambord, toujours aussi majestueux, fut le lieu de lancement de l'opération nationale en présence de notre ministre de la Culture et de la Communication, Renaud Donnedieu de Vabres par une grande exposition, "Chassez le naturel….". Elle propose une vision très personnelle de ce rapport fondateur entre la nature et la culture, la forêt et l'architecture, l'homme et son environnement.

Le parcours commence par l'œuvre incontournable de Gloria Friedmann, "envoyé spécial" de 1995, cerf naturalisé sur des balles de journaux, expression de deux univers différents. Un cerf bramant attire forcément le regard !

Les trois œuvres les plus remarquables sont notamment celle de Laurent Saksik, "installation lumineuse pour Diane d'Alexandre Falguière", marbre que ce dernier sculpta en 1892. Tenant compte du rapport dans l'espace entre la sculpture et la salle du château, Saksik recourt à la technologie la plus avancée pour créer un objet de lumière. Il suggère le contexte dramatique du mythe, de la rencontre entre le chasseur Actéon et la déesse de la lune et de la chasse Diane.
Tout comme celle de Pierre Klossowski "Diane et Actéon", sculpture qui représente un cerf et une biche, l'amour et la mort.
Celle de Tania Mouraud, "La curée", vidéoprojection, montre les chiens d ‘une meute de chasse à courre se disputer quelques lambeaux de viande de gibier, la fascination l'emportant sur l'horreur par un flou évocateur, de ralenti, de rythmes courbes.
 
 
Erik Dietman
 
Erik Dietman à la forteresse de Salses
 
 
Au Panthéon, Paris 5ème, l'œuvre spectaculaire "Les Saintes Ellipses" de Gérard Garouste côtoie le pendule de Foucault. Cette colossale corolle, constituée de huit bâches de 12 m de haut, inscrites de textes et peintes d'images en anachrome, cohabite avec les toiles marouflées du 19ème siècle peintes de figurines monarchiques et religieuses, œuvres de douze peintres académiques. Cette œuvre semble si filiforme parmi cette bâtisse.

A la Cité de Carcassonne, "Le doute et le sel de l'esprit" est la carte blanche donnée à Jean-Luc Vilmouth. Aucune signalétique, aucun document n'indique qu'une exposition des "visiteurs" est en ces lieux. Elle ne commença pas le 25 juin dernier, comme prévu, mais avec trois semaines de retard. Avec persévérance et au hasard de la visite du château, on arrive dans les collections lapidaires. Et, enfin, on peut voir, dans un recoin de la deuxième salle, "L'autruche" naturalisée de 1997 de Maurizio Cattelan entourée de croix. En manque total de surveillants, cette barrière empêche les gens de toucher. Etablir un dialogue entre différentes idées dans le monde mais aussi entre une forme d'architecture chargée d'histoire qui semble inébranlable, fragilité inhérente à chacune de nos constructions. Dans la 4ème salle, "Cassé collé" en grès rose de 1992 de Hubert Duprat, une sculpture, réinterroge la technique de la taille douce. Puis, dans la 6ème salle, se trouvent les photos en noir et blanc de Gina Pane, représentante internationale de l'Art Corporel dans les années 70. En passant sous un porche, nous apercevons par hasard l'œuvre de Jean-Luc Vilmouth "Pourquoi le monde est-il devenu rond ?» qui remplit à elle seule une salle, où, heureusement, personne ne peut passer. C'est la pièce maîtresse et la plus belle. L'idée est fondée sur les circulaires, le cycle qui structure notre vie.

La Forteresse de Salses (Pyrénées Orientales) est un chef-d'œuvre de l'architecture militaire du XVème siècle implantée sur la voie principale reliant la France à l'Espagne. Daniel Firman, avec sa sculpture "Surfaces déflectives" en bois et métal décline la question du visible et de l'invisible dont les formes extérieures se dérobent le plus possible à la vue de l'assaillant et au choc de son artillerie.

Toni Grand accomplit trois sculptures commandées en1986 et installées en 2004. La première de formes géométriques en plomb de 120 éléments mesure le poids du temps et soupèse mentalement la violence des boulets et de la mitraille. Sur la place d'armes, elle est tournée vers le Sud-Sud-Est, elle montre l'entrée de la forteresse. La deuxième en bois et en polyester est posée au sol d'une écurie. Son mouvement de raptation est comme figé dans la matière inerte. Elle nous renvoie les douleurs vécues auparavant. La dernière, douze éléments en acier découpé et plié ont été disposés par hélicoptère sur la terrasse Nord la plus exposée. Ces blocs compacts de formes chauffées, martelées, repliées sur elles-mêmes, accentuent la tension du fer et des assauts. "Les gardiens de fûts" d'Erik Dietman de 1987, faits de verre, de fer, de bronze, de marbre et de granit participent tous au merveilleux bonheur d'exister alliant austérité au burlesque.

La visite accompagnée est impérative, se renseigner à l'accueil, les normes de sécurité ne sont pas complètement déterminées, faute de moyens. En même temps, nous pouvons admirer l'exposition autour des trois installations vidéo d'Antoni Muntadas. Une des trois "On translation" série se retrouve à la 51ème Biennale de Venise au pavillon espagnol dont l'artiste est l'invité d'honneur.

Quelques idées d'emplacements sur un sujet qui est fort intéressant, vu la grande richesse de notre patrimoine, car allier l'antan et le contemporain va attiser la curiosité.
Elisabeth PETIBON
Paris, octobre 2005
 
Jean-Luc Vilmouth
 
Jean-Luc Vilmouth à Carcassonne

Domaine national de Chambord, 41250 Chambord, tél. : +33 (0)2 54 50 40 00
Cité de Carcassonne, 11000 Carcassonne, tél. : +33 (0)4 68 11 70 70
Forteresse de Salses, 66600 Salses les Châteaux, tél. : +33 (0)4 68 38 60 13

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