Lorsque le ciel est sans nuage et la mer sans rides, étendues comme deux steppes bleues, les sentiments de celui qui les contemple s'enlacent et s'envolent en un mouvement ascensionnel sans fin… Cette pensée de Balzac, consignée dans l'un de ses écrits les plus intimes (Un drame au bord de la mer), pourrait être un commentaire des photographies en couleurs de Ruth van der Molen, exposées à la galerie Dragon, à Paris.
La photographe parcourt inlassablement les hauts-lieux de notre planète, les vallées de l'Himalaya, les plateaux du Tibet, la haute vallée du Nil, les palmeraies de la Martinique. Elle en rapporte des vues qui étonnent par une combinaison unique de l'horizontalité et la verticalité. Stimulant paradoxe ! Ses paysages grandioses — souvent saisis en vue plongeante — se déploient à l'horizontale, mais le regard est attiré vers les hauteurs. Ainsi, un lac sacré du Tibet se présente en trois étendues de nuages, d'eau et de prairies, (trois langes de l'infini, comme écrit Balzac), mais le regard, fasciné par les jeux de miroir des prairies célestes et des nuages lacustres, ne cesse de scruter la verticale. Comme si la sérénité apaisante de l'étendue n'avait d'autre propos que d'inviter à lever les yeux. Ce qui rappelle cette remarque d'un maître Zen :
— Homme de la plaine, pourquoi gravis-tu la montagne ? — Pour mieux regarder la plaine.
Certaines vues sont d'une beauté à couper le souffle, montagnes aux roches violettes, chutes d'eau escortées de peupliers inclinés ou ces eaux mêlées où le Nil bleu rencontre le Nil blanc. Mais la beauté de ces paysages relève d'une dynamique cachée, inscrite dans la vision de la photographe. Cette énergie est manifeste lorsqu'elle est portée par le vent agitant le blé vert dans une vallée du Tibet où les plantations s'insèrent comme des mosaïques de culture dans l'espace sauvage.
Les animaux ont leur place dans ces lieux aristocratique, comme ces buffles familiers qui fraternisent avec les roseaux du lac Gujarât en Inde. Les hommes sont plus rares, solitaires de la communion avec la nature, comme ce pèlerin qui chemine sur un sentier de montagne d'une aride grandeur.
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Galerie Dragon, 4 rue Miromesnil, Paris 8e, du 2 mai au 2 juin 2007
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