Le pli dans l'architecture d'Álvaro Sizaéclairage par la théorie du pli baroque par Katarzina Kobro et Władysław Strzemiński
(Image 1) Álvaro Siza, église de Marco de Canaveses, 1996 (photo de l'auteur)
(Image 2) Álvaro Siza, piscine de Leça da Palmeira, 1966 (photo de l'auteur)
(Image 3) Álvaro Siza, salon de thé de Boa Nova, 1963 (photo de l'auteur)
(Image 4) Álvaro Siza, salon de thé de Boa Nova, 1963 (photo de l'auteur)
(Image 5) Álvaro Siza, Fondation Serralves, 1999 (photo de l'auteur)
(Image 6) Álvaro Siza, Fondation Serralves, 1999 (photo de l'auteur) |
L'architecture d'Álvaro Siza, architecte portugais, reçoit un nouvel éclairage des propos qui ont été développés dans l'article "Une théorie du pli moderne chez Álvaro Siza et Władysław Strzemiński : réminiscences du baroque". Un voile se lève sur l'apparence des formes les plus cubiques utilisées, pour y voir une influence baroque (plus évidente dans certains projets comme l'église de Marco de Canaveses). Sans clore la manière de qualifier son architecture, cette vision souligne des paradoxes communs aux architectes et artistes des années 20 et de la période contemporaine : une irruption de caractéristiques baroques au sein de formes modernes. De nombreux architectes ont été influencés par Kobro, dont par exemple Henri Ciriani, et aussi Álvaro Siza, qui vient d'un pays fortement marqué par l'architecture baroque, le Portugal. (voir image 2)
La base théorique et pratique développée par Kobro et Strzemiński est fondamentale pour le développement de l'architecture moderne. Siza utilise un langage qui reste fidèle à ces sources. La spatialité engendrée par les plis dans la piscine de Leça da Palmeira (1966), et dans le salon de thé Boa Nova (1963) est héritière des expérimentations de Kobro sur les plans qui circonscrivent un vide central. (voir image 3 et 4) Un infini est évoqué par soulèvement du toit dans le salon de thé Boa Nova ou par les plans verticaux de la piscine de Leça da Palmeira. Notons que ce lien entre forme et infini est moins difficile à mettre en place en architecture, par les liens perceptifs directs entre forme et infini du ciel, ici forme et ligne d'horizon. Le lien entre sculpture et architecture chez Álvaro Siza, que l'on voit clairement dans la salle d'exposition du musée d'art moderne de Łódź, entièrement conçue par les artistes, devient chez Siza lien entre architecture et paysage. La plasticité gagne cette ouverture sur le paysage. (Ce que Kobro ne réussit pas à faire dans ses maquettes d'architectures, en "remplissant" de volumes fonctionnels ses sculptures mises à grande échelle). (voir image 5 et 6) On peut, sur la base de l'analyse des expériences à différents points de vue, des points et contre-points (Gilles Deleuze, Le pli, p 184), de l'unité et de la dissonance dans son architecture, parler également de "pli baroque minimal". J'ai analysé la présence de spirales discontinues, par exemple dans l'entrée de la fondation Serralves, dans l'ouvrage L'architecture comme paysage - Álvaro Siza (Paris : Petra, 2010). Cette résonance du baroque dans l'architecture d'Álvaro Siza, dans une parenté avec les réflexions et expérimentations de Kobro, montre qu'il n'est pas un pur architecte moderne. On trouve des aspects baroques également chez Le Corbusier, comme dans certaines formes courbes, et son attrait pour une matérialité baroque comme celle des coquillages. Par contre, le travail sur la géométrie abstraite présentant un centre vide, et semblant unifier architecture et paysage, est particulièrement développé chez Siza. Laurence Kimmel
Paris, juin 2013 |