Résistance de l'Espoir
Bruno Stevens
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Paul stevens

© Bruno Stevens, Siem Reap, Cambodia, December 2006
En quarante ans, des milliers d'enfants sont nés avec des défauts génétiques
a cause de l'agent orange, employé par l'armée americaine entre 1965 et 1974

 
 
L'Histoire au présent. Pas souvent gaie, l'Histoire contemporaine. Noire. Les images du photographe de presse Bruno Stevens, dites "de reportage", en sont autant de témoignages percutants, tout en incarnant pourtant, indiscutablement, une forme d'art. A l'éternelle question: "Peut-on faire de l'art avec l'horreur de l'actualité ?", toujours présente, la réponse longuement pesée est positive. Ces photographies sont le compromis exact - rare ? - entre esthétisme sans complaisance et information brute.

Eté 2004. Camp de réfugiés du Darfour. Sous les tentes, les regards sont d'une profondeur implacable. La faim les rend brûlants, déformés par l'exophtalmie. Les "personnages", sans doute les plus pauvres de la planète, déracinés par la guerre, sont face à leur destin. Pourtant, Bruno Stevens capte en eux des moments impalpables, comme dans la plupart de ses sujets, où ils ne se contentent pas de se résigner. Il le dit d'ailleurs lui-même : "Je photographie des gens confrontés à la fatalité, et leurs réactions devant la nécessité de vivre après le drame. Leur force morale. La résistance de l'espoir."

Cachemire, 8 octobre 2005. Le tremblement de terre a fait plus de soixante-quinze mille victimes. Les survivants, organisés en équipe de secours, fouillent les décombres, découvrent les blessés, exhument les cadavres. Les images sont dures, crues. La solidarité palpable, non-dite, évidente. Et là encore, sensations du bout du monde, le calme, la profondeur d'âme prévalent sur l'horreur. Avec toujours cette autre question latente pour nous : "Et moi, enfant gâté, comment affronterais-je ça ?"

De la famine en Somalie, avec ses foyers de tuberculose, à la récente indépendance du Kosovo, ou à la bande de Gaza, à laquelle il consacre une longue série, Bruno Stevens se porte témoin de toutes les crises, de tous les conflits. Surtout, il a su se glisser, se faire accepter à l'endroit où il faut être si l'on veut témoigner. "Les gens m'acceptent parce qu'ils sentent que je veux vraiment montrer les choses comme un humain parmi les humains", dit-il, et toutes ses images le disent aussi.

Reste le choix des photos. Dans cette exposition à une douzaine de thèmes, il fallait un équilibre – difficile à trouver – entre beauté et violence, faire-savoir et spectacle. Jamais, même en présence d'un mort, Bruno Stevens ne privilégie l'exhibition. Une séquence prise en Tchétchénie, d'une vingtaine de photos, l'opération chirurgicale d'un jeune Tchétchène blessé à la tête, en atteste. Le cadre est le même, le sujet identique: chaque cliché est similaire et néanmoins différent. Afin de montrer que le photographe pouvait choisir dans toute la série: patient yeux ouverts ou endormi, chirurgien tendu ou plus serein…

Une seule photographie vraiment gaie : au lac Balaton, le 11 août 1999, un groupe de Hongrois, lunettes noires de carton sur les yeux, est saisi dans un jardin, deux minutes avant l'éclipse totale de soleil. Ils sont drôles et détendus. Nul regard de détresse. Nul regard. Juste un formidable espoir, lumineux.
 
Pierre-Louis Humbert
Bruxelles, mars 2008
 
 
Le Botanique, Centre Culturel de la Communauté Wallonie-Bruxelles, rue Royale, 236, 1210 Bruxelles
tél : + 32 218 37 32  
www.botanique.be

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