Screens and mirrors de Silvio Wolf
Double représentation
 
 
L'exposition "Screens and mirrors" de l'artiste italien Silvio Wolf est un échantillon d'une série intilulée "Scala zero" réalisée dans la Scala de Milan entre 1999 et 2004.
Scala
Zero

espace-temps

déconstruction
reconstruction
Silvio Wolf
 
 
Ce travail qui initialement a été une commande du renommé opéra est devenu à fur et à mesure un parcours engagé dans le sens "artistique" le plus pur. Ses expérimentations conceptuelles et visuelles dans ce lieu mythique témoignent à la fois d'une certaine légèreté poétique et d'une recherche profonde sur la représentation photographique.

En jouant sur l'idée d'écrans et de miroirs il dégage toute la problématique de l'équivoque.

Mais le double n'est pas seulement du côté du sujet, l'objet renvoie à la re-présentation. Le lieu d'expérimentation est lui-même connoté de fictions.
Déjà le titre du cycle en dit longuement sur ce double questionnement. "Scala Zero", jeu de mot entre le nom de l'opéra et sa signification première qui veut dire "échelle", donc ici à la fois scala zéro et échelle zéro.

Où sommes-nous par rapport à l'espace-temps représenté. De quel degré zéro s'agit-il ?

Sommes-nous encore dans le tangible, sensible ou sommes-nous déjà dans le virtuel ? Ce que nous voyons sur les images ou ne devrait-on pas dire ce que nous essayons de regarder, va au-delà de la réalité du théâtre pour devenir en quelque sorte le théâtre même de la réalité.

Les photographies de Silvio Wolf de ce cycle témoignent toutes de cette déconstruction-reconstruction, toujours recommencée, comme au théâtre.
L'enregistrement de ce décorum aux couleurs dominantes rouges et dorées est guidé par une forte démarche conceptuelle qui semble mettre en doute la photographie de son point de vue ontologique.

Plutôt que de traces photographiques ne parlons-nous pas d'images mentales où l'écran remplace le palimpseste pour y graver ses reflets éphémères ?
Degré zéro de la photographie ? D'une certaine photographie, sans doute, celle qui se limite au documentaire pour retracer une réalité objective.
L'approche post-photographique a permis à l'artiste d'aller au-delà des choses afin d'en dégager les faces cachées en jouant sur le double et l'absence.
Voilà donc que se dessine cette autre dimension du thème : dimension zéro - l'absence dans la machinerie du spectacle comme les fauteuils sur lesquels nous sommes assis, les écrans de surveillance, les claviers de commandes des lumières, les corridors miroités.

Quand la critique italienne Roberta Valtorta parle d'une "autre dimension" dans la série "Scala Zero" elle pense à un "espace élastique, plastique, un lieu spécial de la vision qui se crée lui-même et qui se définit comme un espace d'interrogation de nature métaphysique."
Chaque image nous interpelle sur l'ambiguïté de la perception et la complexité de la vision.

Mais le plaisir n'est pas seulement rétinien. Les images de Silvio Wolf sont sensibles et intelligibles à la fois. Elles contribuent à "abstraire", disons "à tirer de" davantage de la réalité, que l'habituel cadrage photographique, pour nous rappeler dans d'autres mots ce que Hiraclite avait pensé quand il affirmait qu'un dessin "invisible", aujourd'hui nous dirons abstrait, "est plus harmonieux que celui qui est visible."
Il y a quelque chose de "sublime" malévitchien dans cette série photographique a-temporelle et a-spatiale.

Plus que jamais, en cherchant la double nature du théâtre, Silvio Wolf a su tourner le miroir sur sa propre création en élaborant plastiquement un langage réfléchi sur la complexité de la représentation. Il ne suffit pas de voir, il faut regarder.
Paul di Felice
Luxembourg, mai 2005
Silvio Wolf
 

"Screens and mirrors" chez Arendt & Medernach, rue Erasme, Luxembourg-Kirchberg, jusque fin août

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