Les élévations de Stéphane Fradet-Mounier
Sculptures comportementales

Stéphane Fradet-Mounier

Stéphane Fradet-Mounier

La sculpture comporte des œuvres qui s'imposent par leur masse statique ou  par la dynamique qu'elles suscitent. Cet aspect proprement physique, comportemental qui caractérise la réception des œuvres en trois dimensions s'incarne dans les objets de Stéphane Fradet-Mounier.

Dans la forme la plus simple de la série des Elévations, l'échelle unique est penchée, imprimant son effort ascensionnel par la diagonale, force résultante de la gravitation et de la verticalité. Les choses se compliquent avec les ensembles de sept et de huit échelles. L'élévation semble alors retenue, plombée par cet enchaînement où la largeur dépasse la hauteur. Du coup le doute s'installe,  ouvrant la voie à deux comportements, surmonter, s'affranchir ou alors s'arrêter devant cette barrière, cette limite ?  

Pour s'y retrouver, des pistes sont ouvertes par la diversité des réalisations qui concrétisent les champs du possible érectile : échelles stalactites, verticales ou obliques. Les rapports largeur/hauteur signalent l'envol ou la chute, l'obstacle ou la protection. Et comme nous pouvons déployer ou reployer à l'envi les ailes de ces compositions articulées, nous agissons sur le concept même de l'œuvre. Démarche intellectuelle certes, mais qui par la grâce de la sculpture ajoute le plaisir tactile de la manipulation. Il ne s'agit pas seulement de toucher avec les yeux, mais de profiter du contact avec la matière, avec la masse alliée à la finesse de l'attelage. L'alliage issu de la fonderie est à la fois pesant et délicat, rugueux et satiné. Donc, place au toucher, à la manipulation, à la manœuvre.

Si nous ouvrons l'éventail des sept ou des huit éléments des grandes structures, nous dressons une barrière, une grille qui devient limite, frontière, interdit… Et ce paravent invite à l'escalade, action qui reste ludique étant donné la taille de jouet de ces modules. Bien sûr que se trouve ici la nostalgie du Meccano de la grande époque pré-numérique ! Seule une grande dimension rendrait infranchissables ces obstacles qui n'arrêtent même pas le regard. Eh bien voilà ce ne sont pas des échelles à grande échelle, parce que ces échelles ne sont pas des échelles, ce sont des symboles.

La matière des œuvres n'a de cesse de nous intriguer. Lorsque la fonderie livre les échelles d'étain, denses et lourdes, SFM les peint à l'époxy, les dore ou les patine avant de les assembler une à une par leurs petits anneaux latéraux. Chaque revêtement apporte son lot de significations nouvelles, symbolique des couleurs, blanc, noir, orange, or ; symbolique des nombres, l'un, le sept, le huit, le trois ; symbolique des formes, des mouvements, ouvert, fermé, dynamique, ancré… Tout cela est rendu par une finition d'une infinie simplicité et d'une belle efficacité dues à la minutie du travail de Stéphane Fradet-Mounier.

Les œuvres ainsi conçues, questionnées, concrétisées, traduisent le sens profond de cette sculpture comportementale : une volonté en acte.
 
Yvon Birster, Paris, mars 2008
 
 
Stéphane Fradet-Mounier, Galerie La Rotonde, 126 bis rue Lamarck, 75018, Paris, jusqu'au 27 Mars 2008

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