chaque image
est une réflexion
sur un aspect
de la situation
actuelle de la
société chinoise
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Les scènes allégoriques représentées dans les images de l'exposition Épopées du présent de Wang Qingsong agissent comme des supports à travers lesquels l'artiste transmet ses opinions sur des questions relatives au développement économique de la Chine moderne, ainsi que sa relation à la culture occidentale. Ainsi, chaque photographie énonce une idée et propose une lecture quasi sans équivoque de la scène représentée.
Empreintes d'une certaine dimension pédagogique héritée de la peinture traditionnelle chinoise, les histoires racontées se laissent déchiffrer en s'appuyant sur un système de représentations symboliques qui puisent tour à tour dans l'art classique, dans les icônes de la culture commerciale occidentale, dans l'art communiste chinois ou encore dans le cinéma de guerre. Plusieurs photographies font directement référence à des scènes tirées de peintures de la dynastie des T'ang, remplaçant par exemle la figure d'un empereur par celle d'un stéréotype américain, ou encore ses concubines par celles de femmes déguisées en occidentales du plus mauvais goût.
À travers des mises en scène méticuleuses et une utilisation quasi théâtrale de la photographie, Wang Qingsong parvient à faire de chaque image une réflexion sur un aspect de la situation actuelle de la société chinoise. Ces scènes sont d'autant plus éloquentes qu'elles fonctionnent sur une dimension satirique et une ironie cinglante, ayant pour même base thématique l'influence grandissante de la culure occidentale au sein de la socété chinoise.
À la base de sa démarche artistique, Wang Qingson se révolte contre la tendance de la Chine moderne à s'aligner de plus en plus sur la culture commerciale occidentale, au détriment de son propre héritage culturel. Ainsi, ce que l'artiste déplore à travers ses images, c'est la perte des valeurs de la Chine traditionnelle, son obsession grandissante de l'occident qui éclipse la culture ancestrale chinoise. Les images présentées à la galerie Liane et Danny Taran véhiculent donc un discours sur la modernisation et mettent constamment en scène le clivage entre l'Occident et l'Orient.
Leur dimension narrative est soulignée par une redondance d'icônes et d'éléments qui font figure de leitmotivs. Ainsi, certains symboles de la culture occidentale, tels ceux de Mc Donald ou de Coca Cola, incarnent l'essence d'une culture occidentale qui envahi et qui métamorphose trop vite la Chine moderne, portant atteinte à l'intégrité culturelle chinoise, défendue ici par l'artiste, et la remplaçant peu à peu par une nouvelle culture de consommation.
Se plaçant lui-même au sein de chaque scène, l'artiste s'insère dans l'espace de la photographie en tant qu'acteur de l'histoire, élément de la société chinoise et témoin de son temps. Adoptant le rôle de la responsabilité sociale de l'artiste, Wang Qingsong se représente lui-même dans ses photos au premier plan d'une guerre contre l'invasion de la culture occidentale. Dans la série Another battle series, il transpose sa lutte pour la défense, la reconnaissance de l'identité culturelle de la Chine dans l'univers des films de guerre, souvenirs de son enfance. Ainsi, chaque scène de guerre "classique" (la prise d'une colline, le déminage) devient allégoriquement un combat contre l'impérialisme culturel dans lequel l'artiste se pose comme pionnier, ayant pour rôle d'ouvrir les yeux de ses compatriotes.
Enfin, dans l'héritage de l'art communiste chinois, son triptyque Past, Present, Future, une de ses œuvres les plus ambitieuses, insère l'ensemble des œuvres de Wang Qingsong dans le cadre d'une réflexion plus générale sur l'histoire, sur l'avenir et sur la situation actuelle de la Chine.
Assia Kettani Montréal, octobre 2003
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