Label
Démocratisation
Prudence patrimoniale
Exclusion des
expressions
contemporaines
Approche racoleuse
Constat grave
de conséquence
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Attributions :
La Direction des Musées de France a attribué un label d'intérêt national à 7 expositions situées en régions. Chacune d'elle va bénéficier d'une subvention exceptionnelle de 0,5 à 0,7 MF. Sélectionnées dans l'anonymat d'une commission d'experts, ces 7 expositions sont choisies pour "leur qualité scientifique mais aussi (et surtout!) en raison du caractère innovant des animations culturelles qui les accompagnent, ces expositions s'intégrant dans la politique de démocratisation poursuivie par le ministère".
Traduction : lesdits musées dont les expositions sont sélectionnées manifestent à l'égard de leurs différents publics une attention toute particulière. Outre les inévitables ateliers scolaires, ils prennent en charge diverses servitudes créant, par exemple, pour le plus grand soulagement des parents, des parcours ludiques susceptibles de séduire leurs bambins. A l'énumération qui suit des 7 expositions, un manque grave apparaît pourtant. Pourquoi aucune d'elle ne fait référence à l'art de ces 70 dernières années ? L'art de notre temps ne serait-il pas conciliable avec cette volonté affichée de faire participer le plus grand nombre ? L'initiative du musée d'art moderne de Villeneuve d'Ascq qui, jusqu'au 8 mai, présente "Le fauvisme en Noir et Blanc", perturbe un peu cette prudence patrimoniale. L'exposition insiste sur l'apport des fauves et des expressionistes aux techniques traditionnelles de l'estampe. De Derain à Vlaminck, ces artistes ont joué de différentes valeurs d'encrage et de pressions plus ou moins marquées sur différents supports jusqu'alors inusités. L' initiative heureuse du conservateur a été d'inviter des éditeurs de livres d'art et des élèves des Beaux Arts à donner (par leurs propres explorations de ces domaines) un prolongement contemporain à la production historique.
Un autre choix des (7?) sages de la DMF s'est porté sur l'omniprésent musée de Grenoble qui, d'octobre 2001 à janvier 2002, portera un éclairage sur "l'Esprit Nouveau, le Purisme à Paris, de 1918 à 1925". Ce courant a réuni des figures majeures du début du siècle dont Léger et Le Corbusier qui, avec Ozenfant, s'affirmèrent pour la défense d'un art construit quand, au lendemain de la 1ère Guerre Mondiale, dadaistes et surréalistes envahissaient la scène avec fracas. Le clou de l'exposition grenobloise sera la reconstitution de 2 pièces du fameux pavillon de l'Esprit Nouveau présenté à l'Exposition Internationale de Paris en 1925. Dans un esprit voisin, le musée des Années Trente, à Boulogne Billancourt, mettra en valeur la qualité des métiers d'art d'alors au service de l'architecture intérieure (novembre 2001 - mars 2002). On y verra réunis des meubles et des dessins signés par Jacques Emile Rulhman... Mais avec ce rappel des années 30 s'achève la relation au 20ème siècle. Avec "Dresde ou le rêve des princes", le musée des Beaux Arts de Dijon nous repousse dans les us et coutumes d'un 18ème siècle royaliste et à Strasbourg, le musée de l'œuvre Notre dame nous plonge en plein moyen âge avec, de mai à août 2001, "Iconoclasme, vie et mort de l'image médiévale".
Par le plus grand des hasards de l'actualité mondiale, le récent vandalisme des Talibans dynamitant des statues millénaires insufflera un renouveau d'intérêt à la question du culte de l'image sainte au moyen age, culte qui fut condamné au moment de l'avènement de la Réforme. Ce questionnement de l'image est un thème récurent de ces 30 à 40 dernières années et souvenons nous qu'en 1992, l'association des conservateurs de Haute Normandie a produit sur ce thème une exposition intitulée "Les Iconodules". Un livre-catalogue a été publié par les éditions La Différence, illustré de nombreuses reproductions en couleurs d'œuvres d'artistes contemporains.
Deux autres expositions profitent encore des avantages pécuniaires du label d'intérêt national :
"Christiana Tempera" au musée d'Arles Antique (septembre 2001 - janvier 2002). Il s'agit du .retour après restauration de reliques de Saint Césaire datant du 6ème siècle, reliques témoignant de la naissance de la chrétienneté en Provence.
"Quel Cirque!", une monstration de véhicules des gens du voyage (juin-septembre 2001) au musée de l'Auto et du Vélo de Chatellerault, un thème qui aurait pu se prolonger par une réflexion contemporaine, nombre d'œuvres actuelles s'inspirant de l'habitat précaire, d'urgence ou mobile....
En conclusion, l'exclusion des expressions contemporaines, les seules qui de part leur grande vulnérabilité tireraient avantage des marques de reconnaissance d'un soutient national, rend peu attractif la création de ce nouveau label.
Picasso au Jeu de Paume :
Dans les mois qui précédèrent la réouverture du Jeu de Paume après une radicale transformation de son architecture intérieure confiée à Antoine Stinco, le ministre de la Culture Jack Lang affirmait (Lettre d'information du ministère de février 1991) que "la galerie d'exposition se consacrerait à l'art contemporain... Sa programmation rendra compte des débats artistiques du moment". Alfred Pacquement qui dirigeait la programmation écrivit en mars 1991 dans la Lettre d'information : "Le Jeu de Paume saura aussi être expérimental".
Las ! L'ouverture, en juin 1991, avec "Jean Dubuffet, ses dernières années" s'avérait être en grande contradiction avec les affirmations précédentes. Nous le dénonçâmes dans la revue "Voir" (Lausanne) à la grande irritation de l'attachée de presse qui, en rétorsion, nous priva de catalogue.
Les expositions qui suivirent nous rassurèrent sur la vocation de contemporanéité de la Galerie. Se succédèrent Pierre Dunoyer, Robert Gober, Marcel Broothears, Elworsth Kelly, Suzanne Lafont, Helio Oiticica, Martial Raysse etc... Dubuffet et ses dernières années (les moins bonnes!) n'avait été que le résultat d'un frileux calcul médiatique de lancement. Malheureusement avec "Picasso érotique", le mercantilisme est de retour. On a envie de crier à la forfaiture, rien ne justifiant cet abus d'usage de la galerie "à vocation contemporaine" pour une exposition qui devrait se tenir au musée Picasso, dans les galeries du Grand Palais, voir au musée national d'Art Moderne G. Pompidou...
Le titre même de l'exposition, "Picasso érotique", comme si toute l'œuvre n'était pas érotique, témoigne d'une approche racoleuse du public incité à l'excitation du voyeurisme.
Commande :
Il s'agit d'une commande de 20 affiches pour accompagner la Fête de la Musique 2001. Ce 21 juin 2001, la Fête de la Musique, initiée par Jack Lang en 1981, aura 20 ans. Dans les premières manifestations, des commandes avaient été passées à des compositeurs tels que Xenakis, Nicolas Frize ou Bernard Lubat.
En 2001, l'accent est porté essentiellement sur les variétés, les fanfares et les chorales. L'orchestre national de Jazz sera présent en raison de sa collaboration avec Claude Barthelemy (l'un des 7 lauréats), mais on aurait aimé qu'en raison même de la politique de démocratisation poursuivie par le ministère, des œuvres réputées plus difficiles d'accès soient mises à l'écoute du plus grand nombre.
Chaque année, la délégation aux Arts Plastiques confie à un artiste le soin de réaliser l'affiche de la Fête. Pour la 20ème édition, ce sont 20 graphistes et affichistes qui ont reçu commande, illustrant ainsi la diversité et l'invention en ce domaine.
20e Fête de la Musique, 2001
Morale de l'histoire :
Au terme de cette relation sur les actions culturelles encouragées par le ministère, on peut en déduire que c'est le patrimoine visuel et musical qui est mis en exergue et non l'art de notre temps. Un constat qui est grave de conséquence à l'intérieur, comme à l'extérieur du pays.
Liliane Touraine
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