Françoise Pétrovitch, associations intimes
 
 
Françoise Pétrovitch présente simultanément deux expositions dans deux lieux, le Frac Alsace à Sélestat et Le Granit à Belfort, sous un seul et même titre : Tenir debout. Dessins, gravures, objets ; chaque œuvre est une invitation à interroger notre relation au monde.
 
 
Françoise Pétrovitch

Tenir debout, 2004, lavis d'encre sur papier, 120 x 160 cm
© Françoise Pétrovitch, courtesy Galerie RX, Paris
 
… évocation
de la féminité,
fragmentaire,
allégorique
laisse entrevoir
des espaces secrets
et troublants

L'originalité du projet réside peut-être tout d'abord dans cette ubiquité : l'artiste plasticienne pose un pied, un regard, une marque dans chacun des deux lieux et tente d'y camper son univers. La Galerie du Granit, comme le Frac, sont deux lieux ouverts sur le monde, où le dehors s'invite au dedans tandis que l'intérieur observe l'agitation du monde. Ces deux espaces offerts à l'artiste apparaissent dès lors comme une métaphore de son travail ; en effet, Françoise Pétrovitch s'attache depuis des années à construire autour des menues choses de la vie. Son œuvre, que l'on peut considérer comme engagée, se développe comme une intrication subtile d'objets du quotidien, d'éléments intimes et de fragments du monde qui l'entoure.

Françoise Pétrovitch ne se limite pas à l'utilisation d'une technique, mais elle préfère instituer un dialogue au sein-même des matériaux qui constituent ses œuvres, privilégiant ainsi les correspondances et les collages. Les carnets d'écoliers et les cartes postales anciennes apparaissent souvent comme un support à ses dessins, peintures ou gravures et contribuent à renforcer l'évocation de l'univers de l'enfance avec sa légèreté, sa poésie, mais aussi parfois ses peurs et ses angoisses. Les mots écrits se mêlent aux traits, aux taches, aux couleurs et ce sont alors des paysages intérieurs qui se déroulent au fil des pages et des toiles. La forme du carnet d'artiste, à l'image d'un véritable journal intime, prend toute sa dimension entre 2000 et 2002 lorsque la plasticienne s'attache à son projet Radio-Pétrovitch : tous les matins, elle s'astreint à écouter et à noter la première information donnée par France Inter, puis à y réagir par un dessin. Plus tard dans la journée, elle ajoute un second dessin inspiré par un événement de sa vie personnelle. Le diptyque ainsi composé est soigneusement consigné dans des classeurs et constitue ainsi une sorte de chronique où le général et le particulier, le public et le privé s'affrontent, se confrontent ou se confondent parfois.

 
Françoise Pétrovitch

Tenir debout, 2004, lavis d'encre sur papier, 160 x 120 cm
© Françoise Pétrovitch, courtesy Galerie RX, Paris
 
 



Loin d'imposer sa vision du monde dans une démarche narrative, Françoise Pétrovitch préfère suggérer, inviter chacun à se raconter sa propre histoire. Ses portraits d'adolescents sur fond blanc, ou encore ses grands paysages mêlant de larges aplats de couleurs vives à la finesse et à la précision du dessin au crayon ouvrent le regard et nous plongent dans un inquiétant vertige. La série des grands lavis Tenir debout qui donne son nom aux deux expositions, reprend le principe du fond blanc : des jambes de femmes s'échappent sur un sol fuyant, quasiment indéterminé, elles jouent avec des chaussures ou encore un ballon. Cette évocation de la féminité, fragmentaire, allégorique laisse entrevoir des espaces secrets et troublants. Pétrovitch souhaite que son travail aide à "penser le monde, notre propre relation au monde". Et c'est cette volonté encore qui est à l'œuvre dans la sculpture Elle, série de neuf silhouettes en céramique, représentations du féminin et de ses métaphores, exploration d'une intimité parfois inaccessible.

Céramiques aux formes étranges et hybrides, lavis sur papier chiffon, très grand dessin à la mine de plomb, à l'échelle du mur, évocations humaines ou animales, la diversité des œuvres présentées à Belfort et à Sélestat reflète l'engagement d'une femme pour qui les mots ne suffisent pas à dire le monde : chaque matériau, chaque technique employée est un élément du vocabulaire et de l'imaginaire de l'artiste ; et de la confrontation, de la juxtaposition des dessins, des toiles et des objets naît un dialogue, invitation à la quête incessante à trouver sa place dans un univers, à saisir "la relation du corps au poids du monde".

Caroline Strauch
Strasbourg, février 2005
en partenariat avec
Polystyrène

Françoise Pétrovitch

Tenir debout, 2004, lavis d'encre sur papier, 120 x 80 cm
© Françoise Pétrovitch, courtesy Galerie RX, Paris



Françoise Pétrovitch,
au Frac Alsace à Sélestat (67) du 19 janvier au 24 avril, tél. : +33 3 88 58 87 58
au Granit à Belfort du 22 janvier au 2 mars, tél. : +33 3 84 58 67 50

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