Nous
sombrons
dans son
monde
mystique
inspiré
de films
d'auteurs
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Le Carré d'Art, Musée d'Art Contemporain de Nîmes présente la première exposition monographique de Peter Doig en France, présentée cet été au Bonnefantenmuseum de Maastricht.
Né en Ecose en 1959, en 1960 est à Trinidad, et vit de 7 à 20 ans au Canada, étudie à Londres, retourne au Canada, revient à Londres et depuis un an est installé à Trinidad. Cela lui permet de repartir à zéro, il accepte une évolution et une continuité dans son travail.
Son enfance au Canada se reflète dans ses œuvres de très grands formats, représentant la nature, les grandes étendues, les paysages de neige, de forêt, les reflets dans l'eau, les nuits étoilées, un habitat isolé dans la nature, l'isolement d'une maison fermée ou abandonnée, des arbres fantomatiques et une étrange lumière.
Nous avons droit à toute une gamme de couleurs : orange, rose, vert, bleu sombre pour les arbres entre autres, tout à fait particulière.
Nous sombrons dans son monde mystique inspiré surtout de films d'auteurs. Ses personnages se retrouvent en second plan. La nature est majestueuse.
Les romantiques allemands, le symbolisme, Monet, Munch et Edward Hopper en sont la référence.
L'Unité d'habitation de Briey en forêt, ensemble de Le Corbusier peint entre 1991 et 1996 est noyé derrière un bois, est un contexte, une sorte de marqueur du malaise vécu par l'homme réduit à l‘étonnement et le trouble devant son inadéquation face à une nature idyllique.
La maison naïve batie en pleine nature à l'habitation de Le Corbusier expriment une sorte d'économie des besoins. Certaines toiles sont composées de bandes circulaires ou horizontales où règnent le silence et le calme mélancolique.
Le tableau "Blotter" (buvard), emblématique du traitement pictural comme de la situation de la figure dans son œuvre. Cette appellation étrange renvoie selon les propos de l'artiste à l'absorption de la peinture par la toile, mais aussi à la concentration de la figure isolée, qui éprouve du pied la glace d'un étang. Il inaugure un cadrage plus ouvert où les espaces souvent incurvés sont l'un des vecteurs de la distance mais aussi d'un temps arrêté, un équilibre précaire prêt à céder.
Le même silence émane de "figure in mountain" où une figure en anorak, de dos, dessine la montagne. Le premier plan sombre renforce encore pour le spectateur l'impression de barrière, alors que le traitement du reflet sur le vêtement intègre le personnage au paysage qu'il dépeint.
Peter Doig, Blotter
Les grands thèmes qu'il développe : la maison dans les branchages, le reflet dans l'eau et surtout celui du "Canoë", symbole de mort.
A partir de 1990, le motif du canoë apparaît comme l'une des premières représentations d'un espace dense chargé d'arbres. Cet espace, totalement lisible bien que répété, traduit l'enfermement, la lenteur d'une situation où tout se redouble, où le réel comme le reflet ont exactement le même traitement.
Le tableau, "100 years ago" (Carrera), 2002, est sans doute l'une des représentations les plus abouties de la mélancolie. Le thème du canoë, tiré de la scène finale du film d'horreur de Sean Cunningham "vendredi 13" photographiée par Doig à partir d'un téléviseur, apparaît pour la première fois dans son œuvre en 1987 . L'anachronisme du titre par rapport à son image, le personnage, une pop star des années 60, n'est pas si éloigné, renvoie la modernité que le personnage représente, à un temps maintenant hors d'atteinte alors même que le contexte choisi, une île-prison au large de Trinidad, décrit l'élan vers la liberté comme un mouvement arrêté.
Il n'est pas sans évoquer le symbolisme de "L'île des morts" de Arnold Böcklin. Si "100 years ago" (carrera) rencontre les mythes éternels, "Sans titre" ou "Girl in white in trees" 2001-2002, dont les sources sont une pochette de disque et une photo de l'entrée d'un passage piétonnier dans une banlieue pour l'un, et pour l'autre une photo de sa fille, soulignent dans son œuvre la confiance de Doig dans une peinture narrative.
Elisabeth Petibon Paris, octobre 2003
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