abstraction du kebab sculpture McDo/kebab trésor dans une crypte |
De l'extérieur, la Collégiale Saint-Pierre-Le-Puellier, à Orléans, trahit sa nature de lieu d'exposition par les étranges vitraux qui habillent son bâti. Une forme peinte se détache, quasi semblable chaque fois, et attire les regards. A l'intérieur, les cimaises ont été enlevées, ainsi que les tableaux qui les recouvraient chaque fois. Le public habituel est assez sceptique, car il faut dire que ce lieu d'exposition a tenté pour la première fois de mettre en œuvre une véritable programmation artistique. L'artiste invité à mener ce pari risqué, car nul ne s'y était vraiment préparé, n'a pas cherché à faire transition. Il s'est saisi du lieu avec audace et autorité, et a mis en place une véritable rencontre entre son travail et les symboliques dont la Collégiale est encore imprégnée. Il a même pour le coup décidé de laisser ses toiles dans l'atelier, et choisi de mettre en place une installation qui prend appui sur le lieu.
Au centre de l'espace, au fond de la nef, une enseigne McDonald's pose sa stature impressionnante. A mi-hauteur de son pylône s'accroche une autre enseigne, plus artisanale, d'une esthétique moins finie, celle des vendeurs de kebabs. Le M du McDonald's est rutilant, jaune et parfaitement imité, il est ce qui accroche les regards et ne nécessite pas que l'on s'en approche. La citation s'arrête donc là, Nicolas Royer ne lui rendra pas plus hommage, et lui préfère son compagnon plus petit, moins assuré, à la botte du géant commercial. C'est lui qui va s'affirmer dans ses recherches picturales, qui va surgir de quelques traits épurés. Une broche verticale, des allers et retours de viande rôtie, et un coulis de sauce. Ainsi résumée, l'emblème du kebab va se laisser décliner dans une variation bicolore sur plexiglas qui a trouvé place dans les fenêtres de la Collégiale. Les "Light paintings" profitent de la lumière et économisent la matière, geste en rupture avec les toiles précédentes de cet artiste qui exploraient l'accumulation de couches de peinture et les réactions chimiques qu'elles entraînaient.
Sur les vitraux, là où on s'attendait à voir des symboles religieux, Nicolas Royer nous propose une succession fascinante formellement, dans ses similitudes et ses dissemblances, mais dont le message est perturbant. La croix christique pour le McDo et la lumière divine pour le kebab ? Quelle est cette querelle qui se joue ici ? Celle d'une nourriture orientale contre un emblème de la société américaine ? Ou une course au fast-food, à la domination symbolique par la consommation ? A trop vouloir se prononcer, la force de l'exposition serait déviée. Nicolas Royer a su concilier expérimentations plastiques et questionnement idéologique, ne pas négliger le langage du sensible pour la voix de la conviction, et nous laisse nous dépêtrer avec ces étranges symboliques.
Dans un recoin de la Collégiale, un espace a pourtant été aménagé comme une sorte de making-off, et l'on s'y dirige dans l'espoir d'y trouver un texte explicatif qui prenne position. Mais il n'y a là que dessins préparatoires, maquette et peinture sur toile, éclairant genèse et déploiement du travail, mais pas plus. L'abstraction du kebab dans les peintures des vitraux se laisse mieux comprendre, et la maquette de la sculpture McDo/kebab nous offre une échelle plus rassurante. Au moins, le symbole est moins inquiétant ainsi mis sous verre, il se laisse admirer comme un trésor dans une crypte.
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Collégiale Saint-Pierre-Le-Puellier, Cloître Saint-Pierre-Le-Puellier, Orléans, du 9 juillet au 21 août 2005
Site de Nicolas Royer www.nicolasroyer.com
Publication à l'occasion d'un livre d'artiste, Suite au kebab, Nicolas Royer, éditions HYX, 10 euros.
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