Fluffy Clouds selon Jürgen Nefzger

Jürgen Nefzger

Jürgen Nefzger

Jürgen Nefzger

inventaire




style

documentaire




paysage




transformations

industrielles




chambre

grand format




site




vue




lieu




all-over




centrale

nucléaire




contemplation




temps




humour




ironie


Ayant commencé par un travail d'inventaire des bunkers du littoral atlantique (exposition et publication en 1994 de l'ouvrage La Forteresse chezWilliam Blake and co), ce jeune photographe s'intéressera par la suite, de manière plus affirmée et critique à l'idée du paysage et à celle de ses transformations industrielles. Ainsi, la série Hexagone (1997) et ses photographies de paysages urbanisés ouvrira la voie Aux portes du royaume (1999) véritable reportage sur l'éclosion brutale d'une ville autour du futur parc Disneyland.

Récemment, grâce à une commande du Centre photographique de Lectoure où il a exposé cet été 2003, Jürgen Nefzger a pu se confronter plus subtilement à l'idée clichée d'un département rural que l'on croit encore faussement à l'abri de ces mutations brutales de l'environnement. Le Gers et sa campagne mitée par les déchets de notre société de consommation ou "ensemencée" de plastique et de béton, est aujourd'hui décliné sur les murs de la Galerie Françoise Paviot dans une série de photographies couleur grand format, seules ou parfois en triptyque mais présentant toutes une frontalité et des couleurs acides qui renvoient le style documentaire d'un travail à la chambre grand format à celui très pictural d'artistes de l'artifice mais aussi de la contemplation "empêchée".

Comme pour accéder à ce qui fait douter du réel tout en le dénonçant, le regard du photographe choisit en effet des sites paysagers dont la vue est occultée par le produit du travail de l'homme: ainsi ces ballots de foin emmaillotés dans des boyaux de plastique bleu lagon qui transforment le champ de blé en décor fantastique pour d'étranges animaux égarés de leur milieu d'origine.

Jürgen Nefzger

Jürgen Nefzger

Jürgen Nefzger

La fluorescente de leur improbable épiderme participe de cette perte d'échelle qui nous fait un peu plus loin prendre le mur de caissons jaune citron pour un décor carton pâte de maquette de cinéma. Mais cet aspect plastique évident dans certaines photographies prises grâce à une pellicule différemment sensible à la lumière voilée et à celle plus directe du soleil n'est pas uniquement au service d'un effet. Il est aussi imperceptiblement mis au service d'un constat critique de nos meilleures dispositions.
Ainsi ce triptyque étonnant où l'ambiance bucolique d'un bord de ruisseau ou d'un mur de feuillage se perd devant un rideau de fête décoré de sacs plastiques multicolores venus comme par hasard s'accrocher aux branches des arbres. All-over de jets de déchets pour dire non sans humour la métamorphose surprenante que la nature est prête à recevoir dès lors que l'homme ne maîtrise plus l'effet de ses actions, dès lors que l'homme subit comme un boomerang la vision dénaturée qu'il a lui-même contribuée à faire advenir.

Par le choix de son point de vue, de son cadrage, de sa lumière, le photographe devient le créateur de site artificiel à partir duquel le paysage continue d'apparaître structurellement lié au lieu. Mais ce n'est plus le site naturel tel un village perché du Lubéron qui ouvre à l'étendue de la plaine caractérisant le lieu, c'est la construction artificielle par le regard photographique qui ici élit un site qui n'existait pas avant le passage et l'arrêt de Jürgen Nefzger. Si ses photographies sont au-delà du documentaire (sur les centrales nucléaires en l'occurrence) et peuvent parfois nous rappeler la question du sublime dans les paysages romantiques allemands, ce n'est pas tant par la contemplation de l'infini que les peintures de Gaspard Friedrich nous suggéraient, mais par le choix sans concession que le photographe opère dans un paysage qui n'offre plus de vue. Le photographe destitue ici le paysage de sa vue pour en faire un simple lieu où le pêcheur sur sa chaise longue n'a même plus l'espace pour satisfaire son désir d'horizon. Juste un lieu devenu anecdotique par la photographie même qu'il induit, provoque et "fait faire", à l'image de ce qui se passe aujourd'hui dans notre quête folle d'information qui nous fait oublier que la contemplation est une question de temps et que c'est elle qui nourrit aussi bien nos miasmes quotidiens que nos plus grandes joies.

Les photographies sont du temps mis en espace, celles de Jürgen Nefger sont des espaces où le temps n'a plus sa place. C'est en cela que leur force picturale est aussi juste que nécessaire dans la critique ironique que leur contemplation nous révèle si on prend le temps de les regarder avec ou sans humour.

Michelle Debat
Paris, octobre 2003

Jürgen Nefzger

Jürgen Nefzger

Jürgen Nefzger

Jürgen Nefzger, Fluffy Clouds, du 20 septembre au 31 octobre 2003
Galerie F+A Paviot, 57 rue Saint Anne, 75002 Paris,
du mercredi au samedi de 14 h  30 à 19 h,
www.paviotfoto.com

D'autres informations dans le GuideAgenda
Imprimer l'article

exporevue accueil     Art Vivant     édito     Ecrits     Questions     2001     2000     1999     thémes     haut de page