Cela pouvait paraître un pari difficile, voire impossible à tenir, que d'animer un musée où l'art contemporain serait largement présent mais toujours confronté aux oeuvres des siècles passés, d'autant que le musée est situé dans une cité industrielle en crise et en pleine mutation.

Le musée des Beaux Arts de Tourcoing réussit pourtant à présenter une collection où les commandes passées à des contemporains tels que Sol Lewit ou Philippe Cazals, s'intègrent très bien aux oeuvres historiques et au cadre initialement prévu pour le classissisme . L'intelligence de la confrontation vient de ce qu'elle vise moins à suggérer d'apparentes similitudes qu'elle ne montre avec dicernement comment chaque époque, chaque artiste joue de sa technicité pour exprimer sa créativité, à sa manière et en relation avec l'air du temps.

Ainsi de l'actuelle juxtaposition d'oeuvres graphiques de Rembrandt et de Picasso ; ces deux artistes ayant abordé quasiment le même sujet, avec une étonnante similitude. Le résultat est saisissant au point qu'on peut se demander si Rembrandt n'est pas le vrai moderne. Il est à coup sûr le plus visonnaire mais cet exercice conduit aussi à montrer l'extraordinaire qualité picturale de Picasso qui ne craint pas la comparaison avec les génies les plus reconnus de l'histoire de l'art. Cette présentation a l'avantage de convaincre un public pas forcement au fait de la connaissance artistique, que les artistes du 20ème siècle méritent la plus grande considération.

Autre point fort, le musée de Tourcoing tourne résolument le dos à l'élitisme. Il se voue à un public local et ne rechigne pas à conserver des références locales en montrant des créateurs. De façon originale, le musée voue plusieurs salles aux collectionneurs des alentours pour présenter leurs acquisitions.
L'enrichissement du fonds du musée est rendu possible grâce aux subventions (parcimonieuses) de la DRAC, du FRAM mais surtout l' efficacité de l'association de Promotion des Beaux Arts de Tourcoing. Quatre à cinq expositions sont montées, chaque année, intégrant les acquisitions nouvelles.

Les responsables du musée souhaitent dynamiser encore davantage leur outil. Malgré un personnel réduits à 6 permanents (incluant le personel de garde) et 3 vacataires, les enfants de la régions, dès l'âge de 2 ans et jusqu'au niveau CM2, ont la chance de se familiariser avec la création artistique. Il est prévu aussi de faire sortir les oeuvres de leur cadre habituel et de les porter plus près de la population dans des lieux nouveaux, voire de les prêter à des hopitaux.
Dans le même esprit, des cycles de conférences, de débats, de spectacles sont organisés.

Il en ressort que lorsqu'une municipalité dynamique s'entoure de responsables compétents et motivés, il n'est pas nécessaire d'avoir un paquebot de luxe ( ou une piscine) pour conduire une politique efficace d'intégration culturelle.

Bernard J. Blum,
avril 2002