En novembre 2004, rouvrait l'un des musés les plus réputés du monde après trois années de travaux. La célèbre institution new-yorkaise fêtait alors ses 75 ans. Né en 1929 de la volonté de quelques patrons des arts, dont Lillie P. Bliss, Abby Aldrich Rockefeller et Mary Quinn Sullivan, le Museum of Modern Art fut la première institution entièrement dédiée à l'art moderne. Le MoMA ne cessa de s'agrandir et de se transformer depuis 1932, date à laquelle l'institution s'installa sur le 53e Rue, à quelques "blocks" de Central Park.
une très riche, et très diverse collection d'art moderne et contemporain |
Vue extérieure
A l'aube du nouveau millénaire, le MoMA se sentant à l'étroit, il fut décidé de lui offrir une nouvelle construction. Il ne s'agissait pas seulement d'agrandir le bâtiment, mais plutôt de transformer les espaces existants et d'y ajouter des espaces nouveaux afin de créer un ensemble cohérent. L'architecte japonais Yoshio Taniguchi remporta l'appel d'offre. La transformation du MoMA est sa première grande réalisation en dehors du Japon.
Nécessitant 858 millions de dollars d'investissement, les travaux colossaux entrepris au musée ont permis de doubler sa surface, qui atteint désormais 58,000 m2. Le "nouveau" MoMA s'articule autour d'éléments d'origine, notamment le "Abby Aldrich Rockefeller Sculpture Garden", élaboré par Philip Johnson en 1953. Le jardin, coupé de la rue par une haute muraille, est un harmonieux mélange de sculptures modernes (Picasso, Calder), de plans d'eau et d'ensembles végétaux. Un nouvel immeuble de six niveaux (David and Peggy Rockefeller Building) accueille les collections permanentes et les expositions temporaires. L'architecte a travaillé en étroite collaboration avec les conservateurs, afin de concevoir des espaces complètement adaptés aux œuvres d'art. Ainsi, des espaces vastes et ouverts accueillent l'art contemporain, tandis que des salles intimistes sont dédiées aux collections historiques. Le musée comprend 150,000 objets d'art de tous les médias et de toutes les périodes de création de 1880 à nos jours. La collection du MoMA contient surtout un bon nombre d'œuvres clés de l'histoire de l'art du XXe siècle, notamment "Les Demoiselles d'Avignon" (1907) de Pablo Picasso, souvent considéré comme l'œuvre avec laquelle débuta la modernité. La présentation des collections suit un arrangement chronologique, allant du "Baigneur" (1885) de Cézanne aux "Campbell's Soup Cans" (1962) d'Andy Warhol en passant par les montres molles de "La Persistance de la Mémoire" (1931) de Salvador Dali et l'abstraction rigoureuse de "Broadway Boogie Woogie" (1942-1943) de Piet Mondrian. Une place de choix est bien sûr accordée à l'art américain de l'après-guerre. On retiendra un gigantesque Jackson Pollock "One : Number 31, 1950" (1950), un très beau Frank Stella "The Marriage of Reason and Squalor, II" (1959) et un typique Robert Rauschenberg "Bed" (1955). L'art minimal est représenté par des œuvres de qualité, notamment "Corner Mirror with Coral" (1969) de Robert Smithson et "Untitled" de Donald Judd. La présentation des galeries d'art contemporain change annuellement. Cela résulte d'une volonté de présenter au public un panorama le plus vaste possible des acquisitions plus ou moins récentes. Jusqu'en juillet 2006 est exposé un ensemble d'œuvres trans-disciplinaires réalisées de 1965 à nos jours. La présentation actuelle focalise sur les visions portées par les artistes sur trois thèmes en particulier : l'identité, la politique et la notion du sublime et de dématérialisation de l'œuvre d'art. Intitulé "Take Two" : Worlds and Views, Contemporary Art from the Collections » la présentation inclut des acquisitions récentes de Marina Abramovic, James Lee Byars, Janet Cardiff et Mona Hatoum. Le thème de l'identité est abordé de manière intéressante par l'artiste américain Nicholas Nixon qui, dans "The Brown Sisters" (1975-2005), présente une série de 31 photographies de sa femme avec ses trois sœurs. Prises sur une période de 30 ans, ces images montrent l'évolution parallèle de quatre femmes, de quatre vies différentes. Vue extérieure
D'autres artistes abordent l'identité de manière plus égocentrique. Marina Abramovic est représentée avec "Art must be Beautiful, Artists must be Beautiful" (1975), une projection vidéo suspendue, montrant l'artiste avec un peigne métallique dans une main et une brosse métallique dans l'autre. Dans une sorte de performance frénétique, l'artiste se peigne et se brosse les cheveux de manière agressive jusqu'à ce qu'elle se blesse le visage et le cuir chevelu. L'installation "Solo Scenes" (1997-1998) de Dieter Roth est saisissante. 131 moniteurs vidéos disposés sur des étagères montrent l'artiste filmé lors de sa vie quotidienne, chez lui en convalescence après une grave maladie. Roth mourra peu après la réalisation de l'œuvre, de sorte que cette installation est un témoignage d'un artiste en train de mourir.
D'autres œuvres contemporaines abordent le sujet de la politique de manière originale. Ainsi, l'installation claustrophobique d'Ilya Kabakov, "The Man who flew into his Picture" (1981-1988) dénonçant les conditions de vie en Russie avant la chute du Mur. Dans une peinture murale expressive et dérangeante, Dana Schutz associe des reproductions de chef-d'œuvres de l'histoire de l'art (L'Enterrement à Ornans de Courbet) avec des images de guerre ("Presentation", 2005). Ludique, mais pas moins politique, "How does a Girl like you get to be a Girl like you ?" (1995) de l'artiste africaine Yinka Shonibare, est composé d'un ensemble de mannequins portant des costumes d'époque victorienne. Mais, ces robes sont faites de tissus traditionnels africains, transformant cette œuvre en un commentaire sur le colonialisme. La notion de sublime et de dématérialisation est abordée à travers des œuvres d'artistes travaillant avec le son et la lumière. "A Frontal Passage" (1994) de James Turrell est une installation lumineuse très sensuelle qui dématérialise complètement l'objet d'art. On passe par un petit couloir sombre pour se retrouver dans une pièce dont l'un des murs irradie d'une lumière rouge. Cette éclairage tamisé efface complètement les contours de la salle et en même temps tous nos points de repères. Avec sa "Table of Perfect" (1989) James Lee Byars évoque l'idée utopique de la perfection à travers un solide cube de marbre entièrement recouvert de feuilles d'or rayonnantes. Le sublime est définitivement atteint par "40 Part Motet. A reworking of Spem in Alium by Thomas Tallis" (2001) de l'artiste canadienne Janet Cardiff. Il s'agit d'une installation audio autour d'une œuvre pour chorale avec quatre voix masculines (basse, baryton, alto, ténor) et des enfants sopranos du compositeur britannique du XVIe siècle Thomas Tallis. Les 40 voix ont été enregistrées séparément et sont rendues par 40 haut-parleurs disposés en cercle. Le visiteur peut ainsi s'asseoir au centre du cercle et être littéralement intégré dans ces chants merveilleux, ou bien longer les haut-parleurs de sorte à entendre les différentes voix et d'expérimenter les différentes combinaisons et harmonies qui se développent et évoluent. On l'aura compris, le Museum of Modern Art de New York, comporte une très riche, très bonne et très diverse collection d'art moderne et contemporain. A cela viennent s'ajouter désormais le bel et discret aménagement architectural de Yoshio Taniguchi. Les vastes espaces lumineux s'emboîtant les uns dans les autres, favorisent la circulation et sont entièrement au service la collection. A New York, le MoMA vaut donc définitivement une visite, si l'on omet l'attente pour rentrer (prévoir de 20 à 30 minutes de queue) et le prix exorbitant du billet d'entrée (20 dollars) !
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The Museum of Modern Art, 11 West 53 Street, New York, NY 10019, tél.: 001 212 708 9400, www.moma.org
Tous les jours (sauf mardi) de 10h30 à 17h30, vendredi jusqu'à 20h
Expositions
Take Two: Worlds and Views, Contemporary Art from the Collections (jusqu'en juillet 2006)
Beyond the Visible: The Art of Odilon Redon (jusqu'au 23 janvier 2006)
Pixar: 20 Years of Animation (jusqu'au 5 février 2006)
Catalogue: Glenn D. Lowry (ed.), The New Museum of Modern Art, 2004, 56 ill., 56 p., $12,95, MoMA Highlights, 2004, 380 p., $19,95. (éditions en anglais, français, allemand, italien, espagnol, japonais et coréen)
A visiter également
P.S.1 Contemporary Art Center, 22-25 Jackson Avenue, 46th Avenue, Long Island City, NY-11101, tél.: 001 718 786 5976, www.ps1.org
Tous les jours (sauf mardi et mercredi) de 12h à 18h. Accessible en métro à partir de Manhattan: ligne E, V, G ou 7
Le PS1 Contemporary Art Center est une institution affiliée au MoMA, entièrement dédiée à l'art contemporain. Son rôle est de produire, de présenter et de disséminer des œuvres d'artistes expérimentaux.
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