lumière artificielle déréaliser ambiguïté théâtraliser mise en scène artifice méconnaissable |
Depuis leur proche découverte, photographie et électricité ont trouvé maintes fois l'occasion de croiser leur nature de démiurge : faire du réel un espace de fiction, modéliser le monde afin de mieux le mettre en scène.
Renversement ironique de cette écriture automatique de la lumière ? ou démonstration manifeste de l'ambivalence ontologique de son propre processus technologique ? Car rien dans ses photographies noir et blanc, n'est ici artificiel, étranger à la photographie en tant que procédé optique et chimique. Long temps de pose, stabilité et piqué du moyen format, occultation même passagère de l'obturateur pour éviter l'impression non désirée de l'humain, mais une attention exacerbée au vide de l'espace, habité et construit par des noirs, des gris et des filaments de blancs d'une incandescence et d'une irradiation irréalistes. Et pourtant, juste une image photographique, rien que de la matière photographique et un regard, du temps et des choix. Alors l'éblouissement ou plutôt l'attitude médusée qui saisit le spectateur interroge le regard et favorise l'immersion. La fiction peut se mettre en place et le doute prendre la parole.
Pour continuer "son" cinéma, le spectateur n'a plus qu'à emprunter cette rue à perspective centrale dont les arbres givrés nous font douter qui de la neige ou de la poussière dessinent le graphisme hyperréaliste des branchages devenus cheveux grisonnants. Ainsi, nous retrouvons-nous sur scène, face à deux buldozers auréolés d'un cercle de lumière dont on ne sait d'où il tombe si ce n'est peut-être d'une de ces "poursuites" que les éclairagistes de théâtre orientent précisément pour désigner l'acteur "mis en lumière", au sens propre et au sens figuré, celui qui donne vie et sens au texte par la parole déclamée et la gestuelle adaptée. On ne peut alors que se souvenir de cette splendide photographie d'un autre artiste américain, Harry Callahan, captant à l'ombre des gratte-ciels new-yorkais cette silhouette féminine devenue le temps d'un rayon de soleil, l'actrice principale de la 5° Avenue…
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Philippe Mazaud, photographies du 18 mars au 30 avril 2004
Galerie Anne Barrault, 22 rue Saint-Claude, 75003 Paris,
tél.-fax : 00 33 (0)1 44 78 91 67 www.galerieannebarrault.com
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