Un espace fait
de matières
palpables et de
mystérieuse
retenue
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Après des études de graphisme, Manuel Geerinck travaille dans ce domaine pendant quatre cinq ans dans l'illustration et la peinture pour l'édition. Vers 1990, il commence à peindre. Son travail se situe entre l'abstrait et le figuratif, avec des références biologiques de l'ordre du vivant, une indicible origine assez mystérieuse.
La vue est un sens équivoque. Notre cerveau s'empresse de corriger notre perception et d'actualiser nos références. Et si le travail de Geerinck nous replonge dans certaines de nos sensations, c'est sans doute parce qu'il rend fragile la cloison qui inhibe nos tabous et refoule nos pulsions de vie et de mort. Au point qu'elle devient visible. Et la toile de devenir une ligne de flottaison de laquelle apparaissent des sujets par fragments comme remontant à la surface du monde perceptible. Fait de couches plus ou moins structurées de matières diverses, ce support, qui agit ici comme un écran entre deux mondes, engloutit des êtres transgéniques, les digère, puis les abandonne à un magma de matières stagnantes.
Au fil des ans les sujets de Manuel Geerinck se sont intensifiés et nous livrent leurs contours minimum, réduits à l'essence, d'où disparaissent presque les stigmates de leur vie fœtale. Tantôt édifiés en icônes de son monde intérieur, tantôt livrés à leur propre destruction, ils leur arrivent de laisser s'écouler un peu de leur matière vitale, comme pour nous rappeler que le temps vient à bout de toutes choses.
Maintenant il nous présente ses photos, d'une technique différente, mais parallèle. Ces dernières attirent très fortement la curiosité. Réalisées selon un procédé nouveau, présentées non encadrées, elles sont exemptes de toute retouche électronique. Les mobiles et les découpes de dessins sont mis en situation. Dans cette dynamique comme dans sa peinture, Manuel Geerinck nous emmène à la frontière de la figuration, dans un espace fait de matières palpables et de mystérieuse retenue. Un parti pris consciemment régressif sur de la toile dont est faite notre peau.
Elisabeth Petibon Bruxelles, avril 2003
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