Après avoir été montrée en Autriche, aux Pays-Bas et en Allemagne, une grande rétrospective de l'artiste luxembourgeois Michel Majerus (1967-2002) est montrée au Luxembourg.
Cette exposition est un concentré de styles, de références historiques et de motifs iconiques. Michel Majerus y apparaît comme un homme à la culture indéniable et à l'ironie certaine. Son œuvre oscille entre une abstraction lyrique ou rigoureuse, un pop art revisité ou encore une imagerie de dessins animés. Cela se voit parfaitement dans des séries comme MoM Block, réalisés entre 1996 et 2000, dans laquelle se côtoient pêle-mêle des influences de Stella, de De Kooning et de l'imagerie populaire, pour ne citer que ceux-ci.
aphorismes minimalistes œuvre abondante déroutante |
untitled, 1991, acrylic on canvas
collection Albrecht Kastein, Berlin © Estate Michel Majerus, Courtesy neugerriemschneider, Berlin
Plusieurs œuvres témoignent du fait qu'Andy Warhol, figure iconique et artiste pop adulé, a profondément marqué Majerus. Ainsi, les Collaborations dans lesquelles il a repris à son compte et sérigraphié une toile réalisée conjointement par Warhol et Basquiat. Majerus s'est associé à leur collaboration en rajoutant à droite de chaque œuvre un coup de pinceau personnel. La série splash bombs (2001-2002), variations sur le logo d'une firme de jeux d'eau, ainsi que l'installation A 1-7, T 1-7, H 1-7, M 1-7 (1996), constitué de cubes superposés, sont non sans rappeler les œuvres de l'artiste américain.
Pourtant, en même temps que ces références à l'histoire de l'art avérées et assumées, Majerus les tourne en dérision. Dans Fuck (1993), un monstre anéantit des tableaux de ses mains et maudit des artistes reconnus comme Joseph Kosuth et Martin Kippenberger. Les mots et phrases figurant dans les compositions, tout comme les titres des œuvres, soulignent les réflexions de Majerus sur le monde de l'art. Ainsi, un autre monstre (untitled, 1991) qui assure : I'm sure they have very different paintings on their own walls. unexpected disaster et the fundamental issues of abstract art (1998), deux œuvres grand format sur aluminium superposé, mélangent des coups de pinceaux expressifs à la Willem de Kooning et des éléments décoratifs rappelant Henri Matisse. Précisément, le désastre inattendu annoncé par Majerus est la fin brutale de la modernité classique par l'expressionnisme abstrait américain. Ces aphorismes minimalistes d'abord utilisés comme titres, Majerus finira par en faire ses matériaux artistiques, comme dans what looks good today, may not look good tomorrow (1999). yet sometimes what is read successfully, stops us with its meaning, no. II, 1998, varnish and digital print on aluminum
Private collection. Installation view: Manifesta 2, (Kino Utopolis) Luxembourg, 1998 © Estate Michel Majerus, Courtesy neugerriemschneider, Berlin
Majerus étira, repoussa, questionna sans cesse la matérialité de la peinture dans des compositions, puis des installations de plus en plus grandes. Le Grand Hall du Mudam accueille ainsi une reconstruction de controlling the moonlight maze (2002), une scénographie réalisée par l'artiste lui-même lors de sa dernière exposition monographique à la Galerie neugerriemschneider de Berlin. A cette occasion, il avait conçu un cadre métallique parfaitement géométrique qui "corrigeait" les incohérences architecturales de l'espace de la galerie. Plusieurs œuvres, réalisées selon des techniques différentes (fresque, impression numérique sur PVC, acrylique…) sont exposés de manière diverse dans et autour de ce cadre. Une manière de montrer certaines des possibilités du médium artistique en question.
L'œuvre de Michel Majerus est truffée de subtiles allusions et de petites références qui pourront donner quelques clefs de lecture au visiteur qui saura les déceler. Néanmoins, cette œuvre est aussi abondante que déroutante. A la sortie de l'exposition, on a le sentiment d'avoir quelque peu saisi l'essence de l'art de Majerus, sans vraiment réussir à définir en quoi elle consiste précisément. Michel Majerus est un artiste insaisissable, d'autant plus qu'on ne sait pas grand chose de l'homme. Né en 1967 à Esch-sur-Alzette, il étudie à la Kunstakademie de Stuttgart, notamment avec Joseph Kosuth, avant d'aller vivre à Berlin juste après la chute du Mur. Son travail est montré notamment lors de Manifesta 2 (1998) et à la Biennale de Venise (1999). Sa carrière démarre véritablement vers l'an 2000, alors qu'il part s'installer à Los Angeles. Alors qu'il méprisait la petitesse du Luxembourg, c'est pourtant dans son pays natal qu'il est décédé tragiquement à l'âge de 35 ans.
splash bombs 3, 2002, acrylic on canvas
Nationalgalerie im Hamburger Bahnhof, Museum für Gegenwart, Berlin © Estate Michel Majerus, Courtesy neugerriemschneider, Berlin |
Michel Majerus, jusqu'au 7 mai 2007
Musée d'art moderne Grand-Duc Jean, 3, Park Dräi Echelen, L-1499 Luxembourg, tél.: +352 45 37 85 1, www.mudam.lu
Ouvert tous les jours, sauf mardi, de 11h à 18h, mercredi jusqu'à 20h.
Catalogue : Michel Majerus, Installations 92-02, 312 pages, 29 euros.
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