Le personnel et
l'impersonnel,
le figuratif et
l'abstrait,
l'attraction et
la répulsion
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Deux lieux rendent hommage à la grande figure emblématique de l'art contemporain qu'est Louise Bourgeois : le Palais de Tokyo et la galerie Karsten Grève.
Au Palais de Tokyo, "c'est le murmure de l'eau qui chante…"
Louise Bourgeois, 91 ans, voudrait être "le tuteur des jeunes générations d'artistes", ce qui explique sa présence au Palais de Tokyo, dédié à la jeune création. Dans "Un jour une nuit un jour", titre de l'exposition du Palais de Tokyo, l'artiste a voulu avec Lorenzo Fiaschi, le commissaire de l'exposition, recréer l'ambiance des rendez-vous qu'elle propose chaque dimanche dans sa maison de New York… en un peu moins intime quand même! Les sculptures de granit noir, à la fois gigantesques pupilles qui nous regardent et sièges qui nous invitent à s'asseoir, se perdent un peu dans l'espace. L'installation vidéo n'est pas très originale, les questions qui apparaissent en noir sur l'écran blanc sont de l'ordre du "déjà vu" : qui sommes-nous ? pourquoi sommes-nous là ? … A la différence près que les visiteurs peuvent y répondre sur des feuilles de format A3. Des réponses qui pourraient faire l'objet ensuite d'un ouvrage.
Un peu sur la gauche, Mais le deuxième étage réconcilie avec l'exposition. Là, une installation sonore reprend des contines, fredonnées par Louise Bourgeois, de sa voix fluette et parfois éraillée, qui plonge dans l'univers sensible et poétique de cette artiste, dans l'évocation de son enfance, dans la nôtre également. Murmures incessants, va-et-vient entre passé et présent. Un véritable cadeau intime à ceux qui l'accompagnent dans ce voyage. Jérôme Sens, co-directeur du Palais de Tokyo, a remercié Louise Bourgeois pour "sa jeunesse extraordinaire et rafraîchissante" et ses œuvres qui "n'ont pas d'âge". L'artiste, qui a passé sa vie à créer des émotions, celles du désir, du don ou de la destruction, réussit encore ici à nous attendrir.
De petits bijoux à la galerie Karsten Grève.
Attendrissantes également les petits coussins en tissu, personnages absents ou membres de sa famille, présentés dans le IIIè arrondissement dans un espace plus propice à l'intimité. Ces formes géométriques, sortes d'ex-voto, ne sont pas sans rappeler les sculptures en bronze et en bois des débuts de Louise Bourgeois, appelées "Personnages". Utilisant de vieux pulls, des serviettes ou des torchons, l'artiste a créé des sculptures fascinantes où le personnel et l'impersonnel, le figuratif et l'abstrait, l'attraction et la répulsion, sont intimement liés. A leur côté, un groupe de dessins abstraits, formant tantôt une toile d'araignée tantôt des constructions géométriques très strictes soulignent par leur répétition, leur caractère obsessionnel. Un autre groupe de dessins mais figuratifs ceux-là, font référence encore et toujours à la propre vie de Louise Bourgeois.
Murel Carbonnet-Caumes Paris, novembre 2002
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