les Netsuke étaient des figures grotesques et des scènes de la vie quotidienne sculptées en ivoire, os ou bois…
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David Levinthal nous pousse au voyeurisme… Après la troublante XXX series, l'artiste présente à la galerie Xippas sa collection de Netsuke érotiques.
Objets courants, sorte de broches utilisées au Japon du XVIe et XVIIe siècle, les Netsuke étaient employés pour accrocher à la ceinture du costume traditionnel nippon des petits goussets destinés à abriter les objets personnels. L'usage de ces accessoires disparaît progressivement avec l'arrivée en Extrême-Orient des habits de type occidental équipés de poches. Les sujets classiques des Netsuke étaient principalement des figures grotesques ainsi que des scènes de la vie quotidienne sculptées en ivoire, os ou bois. Des Netsuke érotiques en résine colorée envahissent le marché occidental au XXe siècle : des bazars de New York aux sites internet, ces jouets pour adultes rendent fous les collectionneurs.
David Levinthal, Netsuke series
David Levinthal, figure emblématique de la photographie américaine, joue avec ces figurines enjôleuses.
Dans l'espace aseptisé de la galerie Xippas, une trentaine de polaroïds est accrochée à une hauteur d'environ un mètre et demi du sol : une série d'images aux couleurs vives, chaudes, entêtantes…
Le spectateur est invité à se pencher légèrement pour pouvoir regarder les minuscules pièces, un mouvement d'autant plus embarrassant qu'il rappelle le geste excitant et prohibé de regarder par le trou d'une serrure.
L'artiste nous cale, malgré nous, dans la position émoustillante du voyeur : au-delà de la subtile membrane photographique s'ouvre une scène de boudoir. Le réalisme obscène des personnages en plastique est émoussé par un savant jeu d'ombre et lumière et par le blur, léger fondu de l'image ou d'une partie de celle-ci, qui caractérise les photographies de Levinthal. La scène est théâtralisée, construite dans le moindre détail pour séduire le spectateur.
Le sujet privilégié, et l'on pourrait dire exclusif, de David Levinthal sont les jouets : petits soldats, indiens et cow-boys, Barbies et Pin-up envahissent les minutieuses scénographies de l'artiste.
David Levinthal, Netsuke series
Dans une interview avec Cecilia Andersson (Catalogue d'exposition, XXX series, édité par la galerie Xippas) l'artiste déclare : "vous me demandez si j'utilise les poupées pour leur symbolisme, et je pense effectivement que c'est toujours une iconographie très forte. Dès que vous prenez une poupée, vous avez automatiquement un contexte où elle va représenter quelque chose d'autre…".
Le jouet, identifié comme artefacts, "fossile guide" de la culture matérielle, représente un objet emblématique de la société qui l'a produit ou qui l'utilise tout en se l'appropriant ; il s'agit d'un véhicule privilégié pour tous les "mœurs" que cette dernière s'exhorte à promouvoir.
Le génie de David Levinthal réside dans son habilité à détourner ce système. La guerre (Mein Kampf, 1993-94), le racisme (Blackface series, 1995-96) et le sexe (XXX series, 2000-01 et Natsuke series, 2002-04) font partie de tous ces tabous que l'artiste essaye de faire tomber confrontant le spectateur à l'hypocrisie de la société contemporaine.
Martina Russo Paris, juin 2004
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