Nous sommes habitués maintenant à la démarche avant-gardiste de la Kunsthaus de Bâle-Campagne qui, dans le contexte Bâlois ne manque pas d'attirer les regards. L'année 2007 commence sous de bons augures avec la présentation de 3 jeunes artistes qui manient l'insolite avec talent et induire un certain malaise face à des situations qui, dans un autre contexte, pourraient paraître banales.
3 jeunes artistes qui manient l'insolite avec talent |
Kilian Rüthemann, The Tunnel, 2006
Kilian Rüthemann, extrapole avec humour la célèbre nouvelle de Edwin A. Abbott, Flatland pour sa première exposition personnelle. Partant de ce récit, Rüthemann tente de figurer physiquement et optiquement avec des moyens réduits, béton répandu et vidéo, la déroutante expédition du bidimensionnel dans le tridimensionnel. Voilà une intéressante expérience pour illustrer les barrières psychologiques, sociales, ethniques et culturelles qui séparent les "étrangers" des autochtones. Cette aventure est en fait une excellente introduction aux travaux des 2 autres artistes présentés.
Anne Lorenz joue elle du paradoxe : pointer du doigt l'insolite de la normalité. Pour y arriver, elle use d'un artifice comique classique : la répétition. Chacun se rappelle les pitreries de Charlie Chaplin dans son film Les temps Modernes pour dénoncer l'inhumain du travail à la chaîne. L'accumulation de bouteilles de bière, le "ballet" de la préparation physique de jeunes footballeurs ou les scénettes de la vie quotidienne montrent combien l'usuel n'est pas aussi banal que l'on croit. Nous sommes et contribuons à créer un univers étrange. Il suffit de le regarder pour s'en convaincre. Ses interventions sont comme des chorégraphies dans lesquelles l'exceptionnel et l'art se nichent dans le détail, comme les broderies d'or qui chacune différemment, ornent les maillots "identiques" des membres d'une équipe de sport. Anne Lorenz, sans titre 2005
Avec Elsewhere, Esra Ersen, une artiste turque qui jouit déjà d'une bonne reconnaissance internationale, affiche son motif : elle est "étrangère". Elle pointe donc du doigt l'insolite et le malaise que créent les situations nouvelles ou même banales. La video, la photo ou la mise en situation feront l'affaire pour extraire ce regard étonné porté sur les situations ou les expériences ordinaires. Si l'uniforme est habituel dans les écoles turques, il n'est plus de mise ici. Pourtant dans une épreuve digne des sciences appliquées, de jeunes écoliers européens en sont affublés : d'abord mal accepté et vécu il est vite adopté au point que les enfants s'y trouveront à l'aise et regretteront de devoir le quitter. Dans sa première "grande exposition personnelle" en Suisse, Ersen se situe à la limite de l'art, de la sociologie et de la politique. Elle reprend avec talent, de façon saisissante et pourtant avec une grande modestie, les questions lancinantes de l'identité, de la migration, de l'intégration sociale et culturelle.
Une exposition intéressante organisée en collaboration, mais pas à l'identique, avec le Centre O.K. de Linz et le Kunstverein de Francfort.
Esra Ersen, Ich bin Türke, bin ehrlich, bin fleissig …, 2005, vue de l'exposition O.K, Linz
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Kunsthaus Baselland, du 19 janvier au 11 mars 2007, St Jakobstrasse 170, CH-4132 Muttenz, tél. : +41 61 312 83 88, 0ffice@kunsthausbaselland.ch, www.kunsthausbaselland.ch
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