La création
artistique
ne peut se
soustraire
du monde et de
la société
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Le Cabinet des Estampes du Musée des Beaux arts de Bâle présente du 23 mars au 28 juillet 2002 sa collection comportant une centaine d'oeuvres sur papier de Paul Klee.
Cette collection, la 2ème plus importante en Suisse après celle de Berne, revêt une importance particulière car elle permet de suivre pas à pas l'évolution d'une oeuvre qui a accompagné la création picturale d e 1903 à 1940, souvent en écho avec les évènements politiques dramatiques qui ont marqué cette période cruciale de l'histoire du monde ("Mort pour une idée", 1915 ou "Sous l'Etoile noire", 1918).
Les relations, sinon l'engagement de Klee, avec des groupes comme le "Blaue Reiter" dès 1912, ses flirts avec le surréalisme au début des années 20 ("17" aquarelle de 1923), et son amitié avec des artistes comme Alfred Kubin, August Mack, Kandinsky, Franz Marc, Robert Delaunay expliquent une évolution où les recherches formelles alternent ou se superposent avec des experimentations abstraites sur les compositions et les interactions de couleurs ("Composition", 1916 ou "Polyphonie" en 1932).
L'économie de moyens qui transparait dans les techniques de la gravure, de l'aquarelle ou de la gouache, souligne le parcours de Klee et montre la relation intime de son art avec les grands courants et les évènements d‘une époque en rupture avec le classisisme, une époque qui remet en cause les valeurs morales et esthétiques du monde occidental depuis plus de 500 ans.
Témoin plutôt qu'acteur, Klee ne peut cependant se soustraire au climat qui règne autour de lui: les dessins à la plume et ses gravures précédant la Première Guerre mondiale se font l'écho du pessimisme ambiant tandis que c'est au cours de son voyage de 1914 en Tunisie en compagnie de Mack et de Louis Moiliet qu'il se lance dans des polychromies claires, montrant que l'éloignement du conflit armé qui occupait l‘Europe avait le pouvoir d'adoucir le climat de sa création.
Paul Klee s'est pourtant souvent associé aux mouvements qui ont animé la scène artisitique entre les 2 guerres mondiales. Proche de Kandinsky, enseignant au Bauhaus de Weimar, il affiché des sympathies progressistes qui dès 1933 l'ont obligé à émigrer à Berne, en raison de la montée du nazisme. Sa dernière exposition au Musée des Beaux Arts de Zürich en 1940, juste avant sa disparition, révèle des oeuvres aux couleurs plus sourdes et poignantes, comme si sa palette se faisait le miroir du nouveau drame humain qui se tramait.
Cette exposition, montre sans ostentation, mais de façon magistrale, que la création artistique ne peut se soustraire du monde et de la société.
Bernard J. Blum, avril 2002
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