Les moments de bonheur photographiques de Julie Ganzin

Julie Ganzin

"Les étangs et les bois" 2004

paysage
nature
littérature
photographie
moment
critique

Photographie et littérature entretiennent des liens si ténus que certains pensent que la seconde aurait inventé la première alors que d'autres octroient cette primauté à la peinture. Mais le propos de Julie Ganzin, photographe, n'est pas de cet ordre si ce n'est que l'on ne peut s'empêcher de regarder et de lire avec bonheur ses nombreuses éditions et d'y reconnaître déjà ce qui de l'image photographique et de l'image littéraire filtre ou s'infiltre. "J'écris, donc je photographie" était d'ailleurs l'intitulé d'un colloque autour de Denis Roche, organisé cet hiver à Lyon par la galerie "Réverbère".

Mais Julie Ganzin n'écrit pas, ou du moins ne nous le montre t-elle pas, en revanche, elle lit, photographie et fait des livres d'artiste et de photographies : c'est son monde, son évidence, son œuvre.

Aujourd'hui, à l'occasion d'une commande qui lui a été faite par le Conseil Général de l'Yonne, et avec l'aide du centre d'art de l'Yonne et du Crac du Tremblay, la photographe s'est replongée dans l'œuvre littéraire de Colette pour continuer son travail de l'entre-deux, entre paysage et nature, entre "fable et autobiographie" comme le dit justement Caroline Fourgeaud-Laville dans le beau texte qui accompagne le catalogue Julie Ganzin (Julie Ganzin, catalogue publié à l'occasion de l'exposition Les beaux jours au Musée du Pays de Sarrebourg du 27 septembre au 6 novembre 2003, éd. Filigranes, 2003).

Ainsi, lors d'une première escale, c'est au Musée Colette à Saint-Sauveur-en-Puisaye, que l'on peut découvrir les vues "vert et eau" d'une démarche paysagiste et topographique où la photographie des Étangs et des Bois de la région d'enfance de l'auteur de la célèbre série des Claudine à l'école, Claudine à Paris, côtoie la poésie d'un regard absorbé et la précision d'une douce plénitude. Disposées d'une part en dyptique, d'autre part en miroir avec le relevé graphique de la situation sur la carte IGN des lieux photographiés, ce dernier enchâssé dans des vitrines habituées à protéger des ouvrages précieux, les photographies couleur des bois et étangs parcourus redoublent notre présence au monde par la dimension verticale ou horizontale que chacun éprouve et que la nature redouble. L'élancée des troncs d'arbres contrebalance l'étendue calme de l'eau dormante comme pour nous rappeler que le corps est toujours présent dans la nature et que c'est lui qui organise le paysage par la gravité qu'il lui reconnaît et le regard qu'il lui concède. Mais il s'agit ici moins de paysage que de nature même si le premier tend à être sujet lorsque le second manifeste son universalité.



"Les étangs et les bois" 2004



"Les étangs et les bois" 2004

doux-amer
temps
tableaux
bonheur

C'est cette osmose du corps et du paysage à laquelle l'exposition au Crac du Tremblay à Fontenoy nous confronte par la suite. Regroupant des photographies de diverses séries d'"Étés" s'échelonnant dans le temps, Les beaux jours (2003), Le dépaysement (2002), Temps libre (2001) ou dans l'espace Terra incognita (2000), l'accrochage non chronologique de cette seconde exposition de Julie Ganzin dans la région de la Puisaye, nous permet de prendre la mesure de son approche sensible et parfois douce-amère de ces moments de villégiature où chacun de nous peut, soit se reconnaître tout en se tenant à distance, soit se détourner tant ces vues, dans un premier temps banales, peuvent basculer imperceptiblement aussi bien dans le bucolique que dans l'effleurement d'une critique sans jugement de nos plus proches comportements. Comme sans y toucher, l'œil et le corps de la photographe plongent sans s'immerger dans ces pans de vie où la nature est indissociable du temps vécu. Comme le dit magnifiquement Virginia Woolf, "le temps est une catégorie de l'espace et le moment est une des multiples concrétions de l'étendue".

C'est alors que l'on se laisse aller à penser que photographier des bois et des étangs ou des scènes de quiétude estivale, est pour Julie Ganzin le chemin calme et silencieux qu'un artiste peut se permettre d'emprunter lorsqu'il sait laisser advenir ce moment d'équilibre où tout peut sembler arriver d'un instant à l'autre mais où rien ne semble se produire malgré le temps qui passe. Ni nostalgie, ni mélancolie, juste cet indéfinissable suspens de la vie où l'homme et la nature ne sont plus objet et sujet mais tableaux de leur complétude baignée par les lumières dorées que la nature et Julie Gazin savent si bien nous révéler, juste un moment : celui que certains reconnaissent comme étant "le bonheur" !…

Michelle Debat
Paris, juin 2004



"Les étangs et les bois" 2004

Julie Ganzin, "Les Étangs et les bois", musée Colette à Saint-Sauveur-en-Puisaye, du 9 mai au 13 juin
Julie Ganzin, "L'Été", Au Crac du Tremblay à Fontenoy, du 9 mai au 23 juin
Dernières publications :
Les Étangs et Les Bois, Mission Photographique en Puisaye, 2004
Keroman, La Glacière, Filigranes éditions et Ville de Lorient, 2004
Les beaux jours, Musée de Sarrebourg et Filigranes éditions, 2003
Le Motif, Saison #1, Trezelan, Filigranes éditions, 2003
Site :
www.julieganzin.com

D'autres informations dans le GuideAgenda
Imprimer l'article

exporevue accueil     Art Vivant     édito     Ecrits     Questions     2001     2000     1999     thémes     haut de page