La Chasse au trésor
Jean le Gac
Jean le Gac
Jean le Gac
Jean le Gac
Jean le Gac
Jean le Gac
Jean le Gac
Jean le Gac
 

Jean le  Gac

Jean le Gac

 
 
Du passé millénaire au présent immédiat, la distance vertigineuse n'effraie pas Jean Le Gac. Confronté à une quête multiple (de la mémoire, du vestige, de l'artiste), il élabore un télescopage inédit entre le peintre et l'archéologue, tous deux à la recherche de formes ne demandant qu'à être révélées. Déployée sur le sol de la chapelle médiévale du château, l'installation de Jean Le Gac est ponctuée d'assertions personnelles et de grandes images ; autant d'éléments visuels dispersés sur un fond ocre de couverture militaire, substitut à la terre du chantier de fouilles. L'impression illusionniste de terrain archéologique est renforcée par la présence d'une passerelle en bois, de laquelle le spectateur est invité à regarder les images et les textes à ses pieds. Cet axe de circulation divise approximativement l'espace en deux frises latérales au sol : cette progression logique, tel un cycle symbolique, renoue justement avec les programmes décoratifs pariétaux des chapelles_ Scrovegni ou Sixtine, à tout hasard. Mais dans notre cas, ce n'est plus seulement l'artiste qui crée l'œuvre mais la création qui modèle aussi son créateur.

Jean Le Gac se projette constamment dans sa chasse au trésor, s'appropriant un rôle en constante évolution. Le travail de l'archéologue lui évoque en premier lieu le monde perdu de l'enfance, moment de la vie comparable par ses rêves et son éloignement dans le temps à ces époques anciennes. Mi-Howard Carter, mi-Indiana Jones, l'artiste fait face à la dépouille d'un pharaon, dont la mise au jour fait craindre le réveil des vieilles malédictions… À la découverte fortuite de l'archéologue répond l'élaboration de l'œuvre : au fur et à mesure, le geste de la main, à l'aide d'une truelle ou d'un pinceau, rend visible les vestiges anciens, sortant progressivement de leur gangue minérale. L'intention artistique se confond avec l'invention, dans sa double acception de création et de découverte. C'est ainsi qu'une statue de Silène cohabite avec des instruments scientifiques telles que brosse et pelle, mais sa partie inférieure reste encore prisonnière d'une couche de terre : tandis que l'œuvre réelle du peintre nous apparaît achevée, la tâche fictive de l'archéologue reste encore à faire, afin de rendre son intégrité à cette figure antique.

L'éloignement n'est pas seulement temporel, il est aussi géographique. Dans la Chine de 1919, le destin tragique de Victor Segalen constitue un contrepoint à l'image romantique du fouilleur. Comme pour conjurer ces malheurs véridiques, Jean Le Gal se projette dans une équipe des grottes du Mont Carmel en 1927. Sous ses accoutrements fantasques, le portrait d'artiste rejoint la tradition d'un Rembrandt en oriental ou Beckmann en clown, si ce n'est que la fiction prend des airs de réel, d'après des codes précédemment établis par le peintre. Après la présence hypothétique de Jean le Gal dans un contexte qui lui est étranger, un squelette surgit de terre : il est supposé être celui d'un peintre mérovingien. Marqueur temporel incontestable, la fibule posée sur les ossements appartient bien à cette époque des rois francs. Quant au prétendu statut de peintre, il s'explique par une analogie espiègle : pour dégager la terre sur les vestiges, l'archéologue utilise un pinceau, comme celui employé par l'artiste pour façonner l'œuvre sur la toile blanche.

Comme point d'achoppement entre ces processus opposés, l'inachevé se produit à un moment ou à un autre du travail du peintre et de l'archéologue. La confusion entre ces deux activités se matérialise parfaitement dans l'ultime photographie de ce parcours initiatique, où Jean Le Gac est occupé avec un pinceau au-dessus d'une de ses compositions, partiellement enfouie sous le sol. Devenu peintre-archéologue, l'artiste est-il alors en train de mettre au jour ou de créer ? Les deux actes en même temps, serait-on tenté de dire. La peinture, elle aussi, demande sans cesse à être redécouverte.
 
 
Benjamin Couilleaux
Paris, mars 2008
 
 
La Chasse au trésor, Installation monumentale de Jean Le Gac au château de Saint-Germain-en-Laye,
Musée des antiquités nationales Château, Place Charles de Gaulle, 78105 Saint-Germain-en-Laye,
du 24 octobre 2007 au 5 mai 2008 www.musee-antiquitesnationales.fr

accueil     art vivant     édito     écrits     questions     archives     Imprimer     haut de page