Considères-tu que la peinture a encore un rôle à jouer dans le champ de l'art contemporain ?
La peinture est aujourd'hui dominante dans le champ de l'art contemporain, malgré ce qu'il laisse supposer. Le champ produit aujourd'hui un tas de peintres nostalgiques, avares, rassurants par leur langage, faisant bonne mine et preuve d'intérêt pour le classicisme romantique, l'utilisation du "mauvais goût", les théories modernistes de la surface du tableau, et qui se plaignent de leur isolement dans le "monde".
Le concept d'art est tellement perverti par les idées utilitaires de la politique culturelle et son vocabulaire si ancré dans le language des pratiques de la politique économique ultraliberale, qu'il en perd toute consistance poétique et réflexive. Je veux faire tout mon possible pour préserver et reconstruire cette autonomie et cette réflexivité.
Sortir d'une production d'atelier et se confronter directement au public a relevé de quelle nécessité ?
Issu d'un milieu immigré et prolo, j'ai toujours cru en l'acte de peindre. Pour moi "l'artiste" était celui qui par sa position, son autonomie et sa production, bousculait les idées reçues et se mêlait au monde. Celui qui parvenait à produire cet "échange" entre le présent et le présent.
On parle toujours de présence pour un tableau, il ne s'agit effectivement pas de représentation mais de présence. Je suis sorti dans l'espace public pour confronter directement des tableaux en acte, au monde.
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Que veux-tu dire quand tu dis souhaiter : "être plus en adéquation avec ton acte de peindre et avec le réel" ?
C'est de l'ordre de l'entendement sensible. Autrement dit, c'est de l'ordre d'une sensation au moment où on est dans l'acte de peindre avec tout ce qu'on a pu penser avant de commencer.
Il y a une espèce de chose à trouver mais qui demande quand même un travail préparatoire.
Le point de départ est difficile à situer, est-ce que l'idée était de mettre l'art dans la rue ou la nécessité était simplement : je le fais, je le montre là où des gens le voient ?
L'idée restant de faire intervenir l'espace, le contexte et la présence de l'homme.
Pourquoi cette utilisation dans tes "films peints" de documents visuels et sonores préexistants ?
Pour moi, ce sont des données, des choses qui existent et que j'utilise. L'intérêt n'est pas la voix de Duchamp, mais ce qui s'acte dans cette parole. Ce sont des éléments qui sont en rapport avec ce qui est occupé à se produire et qui arrive. Rien n'est véritablement prémédité. Tout se construit au fur et à mesure. Je vais faire cette intervention à l'église de Grimbergen et, je ne pense pas que je vais poser dessus l'interview de Duchamp. Ce sont des rencontres ; différentes couleurs que je mélange et que je pose. C'est presque pédagogique, il y a des choses qu'il faut remettre en place. Il y a une force incroyable de la présentation de cette représentation. Tout le système est très déifié même Duchamp parle presque comme un curé. Je ne "joue" pas avec la culture, je prends des morceaux de culture et je les utilise comme matériaux dans un rapport historique.
Propos recueillis par Raya Baudinet, pour Artenews, N° 35, février 2007
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