BJB : comment se lance une galerie d'art dans un contexte aussi concurrentiel que Bâle ?
LA : par la volonté de promouvoir et aider des artistes contemporains qui, souvent à l'écart de la spéculation effrénée dont ART est le modèle, ont besoin d'un public. Une galerie, aussi petite soit-elle, joue ce jeu d'intermédiaire indispensable à la diffusion de la création. Mais il faut savoir rester petit, pour éviter la jalousie ou la convoitise…
BJB : mais il faut des moyens pour y arriver et comment survivre ?
LA : c'est en effet une question cruciale. La plupart des galeries de Bâle vivent grâce à la fortune de leurs propriétaires. Comme il faut plus d'un million de francs suisses pour lancer un artiste sur le marché, il faudra attendre de nombreuses années pour que cet investissement soit rentable, aussi bien pour la galerie que pour l'artiste. Dans ces conditions, il faut faire des choix dans la durée et se limiter à des créateurs qui ont la force et la capacité de durer. On doit se tenir loin des modes et des phobies. Se maintenir avec ceux qui ont une démarche créatrice vraie.
BJB : en puisant dans le vivier des artistes locaux ?
LA : c'est encore une difficulté. Les artistes locaux sont soit issus de familles aisées, comme Meret Oppenheim, et volent de leur propre ailes vers des espaces internationaux, ou deviennent vite des célébrités locales qui se cantonnent à un petit train-train sans ambition. Avec Arian Blom, M.Drea, Yves Boucard, Agnes Dällenbach, Roland Helmus, Constantin Jaxy,Claudine Leroy, Pascal Poirot, et bien d'autres, nous avons choisi des artistes au-delà des frontières ( très proches), des artistes travaillant en Suisse, en France, aux Pays Bas, beaucoup en Allemagne.
BJB : sur quelle base ?
LA : ce sont toujours des artistes solides, qui sont engagés dans leur travail et maîtrisent une technique éprouvée. Il y a de fidélité des 2 côtés : pour l'artiste par son engagement dans son travail et par la galerie qui conçoit sa fonction dans la durée et le respect.
BJB : comment cet engagement se trouve-t-il encouragé dans le microcosme artistique bâlois ?
LA : Bâle est de nature très individualiste. Contrairement à d'autres villes où la scène artiste cherche à se réunir, s'épauler, il y a un peu de "chacun pour soi" ici. Nous avons tenté ou participé à plusieurs initiatives collectives, comme par exemple la publication d'une feuille d'information sur les expositions en cours, ou la recherche d'un accord avec ART pour la mise à disposition d'un local pour les galeries bâloises. Autant d'échecs ou de problèmes car ici, qui n'a pas de lien étroits avec la "Nomenclatura" se verra rapidement exclus ou ignoré . Cela n'empêche pas de travailler, mais il faudra s'investir dans un cadre plus large. Cela est possible, c'est ce que nous faisons. C'est d'ailleurs ce que reconnaissent les nombreux sponsors institutionnels qui nous apportent leur support.
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BJB : des sponsors ?
LA : un certain nombre de grandes entreprises à vocation internationales ont accepté de nous apporter un concours financier. Il s'agit de firmes comme, la Bâloise, Syngenta, Ferratec, Freiraum, BG-Plex etc…Elles reconnaissent que la promotion de l'art passe par l'engagement de structure petites, mais qui, chaque jour, contribuent et oeuvrent en faveurs d'artistes. Les artistes naturellement apprécient les évènements, les "coups", mais la relation quotidienne, durable est encore plus importante. De la même façon, les collectionneurs et les amateurs souhaite savoir que les artistes qu'ils apprécient ne sombrent pas dans l'oubli.
BJB : puisque la galerie est établie à Riehen, en face de la fondation Beyeler, y avez-vous trouvé dans ce cadre particulièrement favorable ?
LA : il est clair que cette fondation qui attire les visiteurs par milliers, conduit à notre galerie une quantité non négligeable de curieux, Mais il s'agit principalement de curieux car bien peu sont des acquéreurs potentiels. Les vrais collectionneurs, les habitants de Riehen, ont peur ou connaissent mal la création contemporaine, ils viennent rarement dans les galeries. Ou alors ils disposent déjà d'opulentes collections et se laissent guider par des agences et conseils éprouvés., Ils semblent d'ailleurs curieusement se méfier des commerces locaux. Heureusement nous nous trouvons proches de 2 autres galeries. Nous arrivons ensemble à créer de l'intérêt et organiser des manifestations collectives comme par exemple "Outdoors", la mise en situation de sculptures dans les parcs et jardin de Riehen. Cette manifestation qui dure 3 mois, attire bien des critiques, mais aussi de l'intérêt. Il faut savoir ignorer les obstacles créés par les envieux, "surfer" sur le haut des vagues et apporter la joie.
Propos recueillis par Bernard Blum à Bâle, mai 2007
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