Festival Contact
2002 au Cube,
Issy-les-Moulineaux
Facade de
l'Hotel de Ville,
Issy-les-Moulineaux
Hall de
l'Hotel de Ville,
Issy-les-Moulineaux
avec les sculptures
de Renonciat
Décodons le Futur
Le code a barres
dans tous ses états
Issy-les-Moulineaux
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exporevue :
Comment une ville de banlieue comme Issy réussit-elle en quelques années à se donner une image liée à l'art et aux nouvelles technologies ?
Paul Subrini :
Nous avons créé le service culturel en 1992 alors que chaque secteur d'activité en ce domaine vivait indépendamment. Le but était de mettre la culture à la disposition de tous. Notre première tâche a été de réunir l'ensemble de ces initiatives et de mettre à sa tête un directeur des affaires culturelles pour opérer cette transversalité. Dans un premier temps, il s'agissait de permettre que les manifestations à caractère culturel soient bien réparties dans l'année, après on est monté en puissance.
Le conservatoire municipal de musique est devenu Ecole Nationale de Musique. Pour le Musée municipal dont j'ai assuré la construction, il a été encouragé parce que la ville a reçu dans les années 30 en donation un très grand nombre de jeux de cartes. On a trouvé ça intéressant de pouvoir retracer l'Histoire au travers des jeux de cartes. On a dû chercher un lieu culturel pour l'accueillir et ce fut une partie des derniers vestiges et du nouveaux batiments des communs du Château des Conti. Avec l'aide du Département, de la région, de l'Etat, on a pu faire sortir de terre le Musée Français de la carte à Jouer. Il a un statut national et il a reçu le Prix Européen des Musées en 1999, ce qui n'est pas fréquent.
On a aussi développé le Centre d'Expression par les Arts Plastiques, c'est une expérience intéressante puisque dans ces lieux cohabitent des tout petits jusqu'aux plus âgés qui se livrent au plaisir de la peinture, de la sculpture, du moulage…
Nous avions aussi une bibliothèque possédant un grand nombre d'ouvrages mis à la disposition du public, mais comme dans d'autres villes, ces lieux ouvraient quand les gens sont au travail et ils fermaient quand ils sont en congés. On a commencé par ouvrir cet établissement le soir et le week-end afin de permettre l'accès au plus grand nombre. On a complété les collections avec des supports audiovisuels, des Cd Roms. On a mis des ordinateurs à disposition pour que les gens puissent avoir accès à Internet et tout ce qui a trait aux nouvelles technologies.
Pour essayer d'être toujours leader dans la communication et les nouvelles technologies les séances du conseil municipal sont retransmises : avant c'était sur Mosaïque, la chaîne 8, aujourd'hui c'est sur le câble. Les gens se posent des questions sur l'action des politiques ; en voyant nos débats, ils comprennent mieux notre action.
exporevue :
Pensez vous que ce soit efficace ?
Philippe Germain :
C'est un début encourageant: 51 % de la population d'Issy est connectée à l'ADSL. Par ailleurs Wanadoo est installée sur la Commune.
exporevue :
Vous avez aussi réaménagé les Arches ?
Paul Subrini :
La SNCF louait ces espaces, il s'agissait souvent d'ateliers en tôle ondulé. L'opération a coûté cher, puisque la SNCF nous obligeait à réaliser des constructions qui ne touchaient pas aux piles du pont où ils devaient garder un accès pour la sécurité. Nous voulions y organiser des activités culturelles, musicales, sportives. Cette obligation de construire dans l'espace nous a fait faire des réalisations intéressantes, sans vibration et avec un bon niveau d'insonorisation.
exporevue :
Vous avez mené une politique systématique "d'attirance" d'entreprises.
Paul Subrini :
Il n'y a pas eu de politique financière particulière. Nous sommes une ville de la première couronne. Il y a eu des transformations économiques, des entreprises qui fabriquaient des essuie-glaces comme SEV Marshsall se sont rendu compte que le prix du terrain augmentait. Ils ont revendu pour s'installer ailleurs. L'urbanisme s'est modifié, nous avons affaire à un secteur plus homogène, centré sur les prestations de service, la communication, les consultants, l' informatique. Le premier fut Roux et Séguéla, parti de la rue Bonaparte pour s'installer sous un pavillon Baltard, puis CLM et BBDO Bossard . Grâce à l'accueil que nous ménageons nous avons su attirer des entreprises américaines comme Johnson et Johnson, Coca Cola ou Cisco. Pour qu'une entreprise décide de s'installer quelque part elle prend en compte le fait que l'adresse soit un peu connue . Toute cette action de communication poussée par André Santini a permis à Issy de se positionner.
exporevue :
La reconnaissance de l'action du Cube y a contribué ?
Paul Subrini :
La dernière initiative qui a été celle d'André Santini de lancer un marché avec l'association Art 3000 a permis l'ouverture du Cube. On n'avait pas le personnel suffisamment pointu dans ce segment. Il faut ajouter que, dans la fonction publique, on ne reconnaît pas très bien les nouvelles technologies. Quand on a voulu aller plus loin dans ce système d'équipements des foyers, on a fait des partenariats, de l'infogérance. Dans le cas d'art 3000 ils continuent à faire toutes leurs recherches, mais y associent les enfants de la ville, les enfants des collèges et le public.
exporevue :
C'est ainsi qu'ils ont organisé un festival urbain ?
Philippe Germain :
Ce Festival s'appelait Premier Contact, ce fut un grand succès populaire malgré le mauvais temps. Il a été très bien fréquenté.
exporevue :
Comment se passe concrètement ce partenariat ? Quels en sont les autres intervenants institutionnels ?
Philippe Germain :
La ville met le lieu à disposition de l'association gestionnaire, et finance son fonctionnement Il y a des aides ponctuelles de la Région, ou du Ministère de la culture, mais à un très faible niveau, elles concernent seulement l'événementiel et nous espérons que bientôt elles toucheront l'aide à l'équipement.
Ce lieu est unique : les 130 ou 150 Espaces Culturels Multimédia labellisés par le Ministère sont tous accueillis dans des structures de médiathèque. La ville a mis à disposition du Cube un bâtiment spécifique, sur deux niveaux, 720 m2, uniquement dédiés aux nouvelles technologies et à leur expérimentation dans une même cohérence, cette pertinence qui permet de créer des transversalités .
exporevue :
Comment se sont mises en place les assises Art et Entreprises ?
Paul Subrini :
On a voulu associer à l'action de la ville des entreprises qui avaient déjà des idées pour faire vivre la culture. Ils les ont toujours mais leur action dépend de leurs propres résultats économiques comme ceux de la France . On a fait venir un certain nombre de mécènes. L'ensemble des personnels employés représentent 60 000 emplois sur la ville ; il faut bien que ces gens se retrouvent dans nos projets.
Philippe Germain :
On s'est positionné de manière radicalement différente de tout ce qui se faisait déjà en France. Le principal organisateur de ce genre de choses c'est Jacques Rigaud avec l'ADMICAL. Notre idée est de mettre en regard deux systèmes. On constate que dans un pays comme les Etats Unis qui pratique le mécénat sur une très haute échelle on n'a pas d'institution de la culture au niveau étatique et en France où on a un ministère de la Culture et des institutions on n'a pas les liens avec le privé. On s'est décalé de la thématique pure du mécénat. Notre but a été de tenter de casser un a priori chez les artistes comme chez les entrepreneurs. Un chef d'entreprise ne doit pas considérer l'aide aux artistes sous la seule action consistant à investir une somme d'argent, mais envisager aussi les possibilités de communication interne et externe que cela peut apporter . A contrario il faut faire comprendre aux artistes qu'il faut arrêter de considérer l'entreprise comme seul apport financier.
Le deuxième constat est survenu après avoir assisté aux dernières assises du Mécénat de ‘ADMICAL à Lyon. Ceux qui y assistent sont tous des gens déjà convaincus. Ce sont les autres qu'il faut tenter de toucher.
exporevue :
Comment pensez-vous faire évoluer cette initiative ?
Philippe Germain :
Pour la 3° session qui se déroulera début octobre 2003 nous aurons un jour et demi de colloque en axant nos débats sur le rôle des collectivités locales comme 3° partenaire, en nous appuyant sur l'expérience, l'expertise de la ville en ce domaine. Il y a une vraie demande suite aux deux premières sessions qui mêlaient qualité des intervenants et diversité des sujets abordés. Nous sommes le lieu d'une vraie synergie de mise en réseau des personnalités et des initiatives.
exporevue :
Est ce que tout cela a vraiment fait évoluer la mentalité des chefs d'entreprise ?
Philippe Germain :
Les Ils sont beaucoup plus ouverts à la question . On commence à être alerté sur la fameuse idée de la culture comme danseuse du président, on sait que c'est ce qu'il ne faut plus faire . Il y a un frémissement dans cette prise de conscience. Sur la ville une entreprise comme Arjo Wiggins nous a aidé sur la publication de la plaquette de Arts et entreprises, en mettant à notre disposition un papier haut de gamme qui n'a pas coûté un centime à la ville, cela aide à faire accepter l'idée de ce genre d'initiative auprès du plus grand nombre.
Paul Subrini :
Tout cela pourra fonctionner s'il y a un vrai contrat encouragé par des mesures légales de l'Etat, la mise en place de vecteurs fiscaux. Contrairement aux sociétés anglo-saxonnes, aux Etats Unis notamment, en France il n'y a pas ces encouragements fiscaux.
exporevue :
Cela va-t-il dans le sens de l'idée de l'entreprise citoyenne ?
Paul Subrini :
Tout à fait. On ne doit pas rendre ces secteurs complètement étanches. Lorsqu'on a refait l'Hôtel de Ville, la Salle du conseil a été équipée en multimédia et on permet aux entreprises d'y avoir accès afin qu'elle puisse disposer des 50 postes de micro-ordinateurs, des caméras motorisées, des écrans de contrôle.
exporevue :
Cela suppose une gestion saine des initiatives culturelles.
Paul Subrini :
Ce qui permet aux villes de vivre c'est à la fois d'attirer des entreprises qui vont leur offrir plus de recettes fiscales sous forme de taxes professionnelles et en même temps faire des prestations qui intéressent le plus grand nombre et s'équilibrent financièrement. On met à disposition des Isséens un paquet de services de l'ordre de 15000F par an et par habitant. Ils paient dans le cadre de leur taxe d'habitation une part d'environs 5% pour la culture . Pour certaines de ces activités ils doivent acquitter une contribution de l'ordre de 4,5%. Pour 9,5 % ils peuvent bénéficier de cette offre rare. En moyenne l'offre de service dans la plupart des villes ne représente que 3000F annuel par habitant. Dans toutes nos propositions nous gardons l'idée qu'elles doivent s'adresser à tous les publics, nous avons même des animations pour les 18 mois à trois ans. Cependant il faut garder à l'esprit le fait que la culture n'est jamais vraiment rentable, il n'y a pas de retour immédiat sur investissement.
exporevue :
Vous utilisez l'art et les nouvelles technologies comme un moyen de communication.
Paul Subrini :
C'est clair, parce qu'ils font partie du patrimoine. Le tout c'est de les remettre à la disposition de tous. Si nous ne le faisons pas dans les villes qui le fera ? Personne. Nous avons là une mission de service public. Demain on dira que les gens sont analphabètes lorsqu'ils ne sauront pas se débrouiller avec les nouvelles technologies.
Propos recueillis par exporevue Issy-les-Moulineaux, mars 2003
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