Interview de Laurent Mannoni à propos de l'exposition Etienne-Jules Marey, exporevue, magazine, art vivant et actualité
Interview de Laurent Mannoni à propos de l'exposition Etienne-Jules Marey

Pourquoi une expo Marey seulement aujourd’hui ?

Certains reconnaissent Marey comme un précurseur de l’art moderne, d’autres comme un grand inventeur dans le domaine de la photographie, comme précurseur du cinéma ou de l’aviation. Chacun avait sa propre idée. Son problème c’est qu’il fut une sorte de touche-à-tout génial bien que son œuvre soit parfaitement cohérente. Dans chacun des sujets scientifiques qu’il a abordé, il s’est montré très novateur : c’est le cas de la physiologie, de la photographie du mouvement, de l’aérodynamique ... Il est donc difficile d’avoir une vue complète de son ensemble. C’est une pensée complexe, très riche. L’iconographie est d’une incroyable richesse, son œuvre écrite nécessiterait plusieurs volumes. On a donc essayé de montrer ici, la richesse du personnage et de ses recherches. La première exposition en date sur Marey, c’est celle de 1963 réalisée par Langlois. Langlois avait eu la chance de connaître les élèves de Marey qui ont donné beaucoup de choses à la cinémathèque. En 1977, à la même époque où l’on détruisait ce qui restait de la station physiologique, on organisait une grande exposition Marey au Centre Georges Pompidou. On était alors resté sur l’idée d’un Marey involontairement précurseur du cubisme, du futurisme, précurseur de Marcel Duchamp etc. Lorsque nous avons redécouvert les trésors de la cinémathèque, nous nous sommes aperçus combien ce que Langlois avait collecté était un fond très complet sur ce scientifique. Il y avait notamment les films originaux, près de 400. Ici, nous en présentons près de 300 dont un grand nombre étaient inédits. Tout cela nous a bien évidemment demandé un gros travail de restauration. Nous avons aussi découvert un aspect de l’œuvre de Marey méconnue, Marey maniaque du graphique, Marey dessinateur. Il va toujours faire des dessins de ses observations scientifiques. La grande nouveauté de cette exposition c’est justement de dévoiler la richesse et la beauté de cette partie de l’œuvre.

Qu’est ce qui fait la particularité de Marey en tant que personnage de la fin du XIXe siècle ?

Marey est assez atypique dans le milieu scientifique du XIXe siècle. C’est le seul qui tente systématiquement de prouver la véracité de ses théories par l’image. Chaque expérience donne lieu à des photos, des diagrammes. C’est quelqu’un qui ne croit qu’à l’image. Comme ce qui l’intéresse c’est de voir l’invisible, de voir des choses que l’œil ne peut généralement pas discerner.

C’est pour cette raison qu’il va créer des machines qui vont ralentir le temps ou ralentir un mouvement. C’est pour cette raison qu’il est considéré comme l’un des grands pionniers du ralenti cinématographique. Il faut aussi se reporter à cette époque où l’on ne savait pas la façon dont un homme marchait, ou comment un cheval galopait. Ces problèmes qui nous semblent totalement évidents aujourd’hui étaient alors en pleine étude. Marey intéressait beaucoup de gens notamment dans un domaine que l’on nommait l’économie des forces musculaires. Il fallait économiser la fatigue des soldats mais aussi des ouvriers. Marey était aussi un grand hygiéniste du XIXe siècle.

Les travaux de Marey étaient alors reconnus ?

Oui, Marey était un personnage connu du monde entier. Il était de toutes les académies. Il n’était absolument pas un mondain bien qu’il savait parfaitement utiliser ses relations lorsque le besoin s’en ressentait. Il faut aussi dire qu’il fut contesté violemment par certains scientifiques.

Quelle différence y a-t-il entre Marey et Muybridge ?

Muybridge n’est pas un scientifique. C’est un photographe. En aucun cas ce n’est un scientifique.

Comment l’art récupère Marey ?

Dès 1893, Marey s’intéresse à l’art puisqu’il publie un album destiné aux artistes. Il sait que ces études passionnent le monde de l’art. Après sa mort en 1904, il a été très vite récupéré par les futuristes italiens et ensuite les surréalistes.

Quelles sont les principales surprises de cette exposition ?

Je pense que les visiteurs vont être surpris par la cohérence de son cheminement intellectuel. Marey travaille intensément l’image de plusieurs façons différentes.

Damien Sausset
Laurent Mannori, Commissaire de l'exposition

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