Interview de Marie-Anne Couvreu, Galerie Anatome, exporevue, magazine, art vivant et actualité
Interview de Marie-Anne Couvreu, Galerie Anatome

Comment est né cet espace dédié au graphisme ?

Je travaillais dans l’agence Anatome, qui est une agence de communication institutionnelle, où je m’occupais de la création graphique. Dans cette agence, nous avons l’habitude de prendre des stagiaires qui généralement étaient étrangers. Le fait qu’il y ait si peu de français nous a conduits à nous interroger sur les formations que l’on rencontrait ici et surtout sur la différence de formation entre tous ces pays. Nous avons ensuite déménagé à Paris dans de nouveaux locaux. Dans le bail de location, nous avons hérité de cet espace. C’est à cet instant que nous avons eu l’idée de faire venir les maîtres de ces élèves que l’on voyait à l’agence. De plus la culture graphique est ici différente des autres pays. Nous voulions la rendre visible. En France, il y a un véritable manque de culture et une méconnaissance incroyable de la situation dans les autres pays. Ainsi, vous ne pouvez pas imaginer combien les institutionels, les commanditaires n’ont absolument aucune idée de ce que peut être le travail du graphisme. Or, en Angleterre, en Allemagne, aux Pays-Bas il y a en permanence des lieux consacrés au graphisme. Cette culture du graphisme est répandue au point que la moindre personne fait attention à son papier à lettre ou à l’affiche au coin de sa rue. Ce n’est absolument pas le cas en France.

Quel était votre but en ouvrant cet espace ?

Voir ce qu’il était impossible de voir. On allait à la biennale de Varsovie, on allait à Bonn ou à Zürich. On faisait même le voyage pour la biennale de Mexico. On voulait partager notre passion avec un public beaucoup plus large qui n’avait sans doute ni le temps, ni les moyens de voyager. Surtout on voulait montrer les affiches en taille réelle. On voulait aussi que les graphistes soient présents et qu’ils parlent de leur travail, leur évolution, leur relation avec les commanditaires. Le problème en France c’est que peu de gens savent ce qu’est un graphiste. Ce n’est jamais un créateur ou quelqu’un qui réfléchit dans l’esprit français ; Nous voulions lutter contre cela. Pourquoi en France on n’arrive pas à prendre des risques. En France, les affiches donnent une information : le lieu, la date, l’heure. Mais aucun commanditaire ici ne prendra le risque de faire une affiche qui interpellera, qui conduira le public à se poser des questions. L’affiche c’est un support dans une multitude de supports. En France, on a tendance à dupliquer le visuel de l’affiche partout. Dans d’autres pays, l’affiche est un support qui fait partie d’une chaîne de communication.

Comment a été perçu le lieu à sa création ?

Nous avons été très surpris par le succès de cet espace. 500 personnes au premier vernissage. 2500 visiteurs pour la première exposition. Notre public ? Beaucoup d’étudiants, des graphistes aussi, beaucoup de curieux qui ne savent pas ce qu’est une affiche. Nous avons aussi eu la visite de beaucoup de politiques et de gens qui sont conduits à prendre des décisions. En général ces gens restent très longtemps. Je suis désormais sure que ces personnes ne regarderont plus jamais un projet de la même façon. Ils ont compris que le graphiste n’était pas juste un manipulateur mais bien quelqu’un qui pensait.

Comment vous jugez l’évolution du graphisme en Europe ?

Il y a un changement qui est en train de s’opérer actuellement. Je crois que nous assistons à un nouvel engouement pour le graphisme. Le nombre de visiteurs que nous avons en atteste. Je pense également que cette nouvelle mode est étroitement liée à la redécouverte de la photographie qui il y a une quinzaine d’années n’était pas vraiment connue ou valorisée. Il y a deux grandes écoles dans le graphisme : l’école polonaise et l’école suisse. Je crois que l’école suisse qui en fait est aussi allemande, hollandaise, aura toujours une place très présente. L’école polonaise est aussi très forte dans certains domaines de la création. L’intérêt aujourd’hui est d’allier ces deux écoles. Enfin, il y a toute la partie anglo-saxonne qui est très axée sur le multimédia, qui répond très vite à toutes les modes. C’est d’ailleurs dans les pays anglo-saxons que vous trouvez les choses qui sont le plus novateur aujourd’hui. Cependant, j’ai l’impression que cela est éphémère. Mais il faut que vous sachiez que les graphistes internationaux ne comprennent pas pourquoi il n'y a pratiquement rien en France. Tous constatent que cela les pénalise qu’il n’y ait rien. J’espère pouvoir exposer rapidement des graphistes français. Mais il faut que je fasse très attention tant les rivalités sont fortes. De plus, le graphisme est un métier qui souvent se fait dans l’instantané, pour un moment bien précis. Je ne veux donc pas bloquer ma programmation sur les années à venir. Ce qui serait pourtant facile tant la demande est forte. Il faut que nous puissions rebondir. Mon but n’est pas de faire de l’argent mais bien de promouvoir ce métier et ses créateurs qu’ils soient français ou étrangers. Les seules manifestations en France c’est le Festival d’affiche de Chaumont et celui d’Echirolles. J’aimerais qu’il y ait d’autres lieux comparables à celui-ci qui ouvre à Paris et en France.

Damien Sausset

Galerie Anatome, 38 rue Sedaine, 75011 Paris, France, tél. 01 48 06 98 81.

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