Liliane Touraine
Les premières sculptures que j'ai vues de toi se trouvaient à le galerie Sonnabend à Paris en 1972. Une galerie américaine spécialisée à l'époque dans le minimal art, une tendance d'avant garde surtout new yorkaise.
Alain Kirili
Oui, c'était ma première exposition personnelle.
Liliane Touraine
Forges-tu toi même ?
Alain Kirili
Oui, mais pas en France. J'ai commencé au Tyrol, puis à partir de 1976, j'ai utilisé la forge de Florian Unterrmeiner à Soleure en Suisse. Depuis que je réside partiellement, voilà presque 30 ans à New York, je forge dans le nord de l'état de New York, assez loin de mon atelier. Quand tu m'as vu avant hier au vernissage des peintures de Craig Fisher, à la galerie Florence Lynch, j'en revenais et j'étais épuisé : forger, c'est dur !
Liliane Touraine
Pourquoi avoir choisi de t'installer à New York, même partiellement, puisque tu as toujours une adresse à Paris ?
Alain Kirili
En 1970, quand j'ai commencé à exposer, je faisais partie de la première génération d'artistes de l'après guerre ( je suis né en 1946) et depuis le début des années 60 il y avait une montée en puissance de la présence américaine sur la scène artistique.
Liliane Touraine
Oui, d'ailleurs cette visibilité s'est manifestée avec éclat lors de la Biennale de Venise en 1964. Cremonini, Olivier Debré, jean Dewasne, Jacques Villeglé et d'autres m'ont dit combien avait été grande leur stupéfaction de voir accoster un croiseur américain au pied des "Giardini", croiseur duquel furent débarqués les œuvres de Rauschenberg. L'art, l'artiste et l'Etat, même combat ! Dès 1960, l'un des objectifs déclarés de John Kennedy fut de donner aux USA, sortis vainqueurs, puissants , donc enrichis par la guerre, l'auréole culturelle qui avait été jusqu'alors l'apanage d'une Europe désormais vaincue et ruinée.
Alain Kirili
Il y a une autre raison de mon installation à New York. Outre le fait d'approcher la créativité de l'avant garde américaine, j'ai trouvé ici un climat de convivialité qui m'est apparu nécessaire pour créer et qui me manquait. A Chelsea où je réside, je rencontre dans le même quartier, et sans difficulté, des artistes d'autres disciplines tels que des poètes, des compositeurs, des danseurs et des chorégraphes. Il n'y a pas d'esprit de chapelle. Comme tu le sais, depuis longtemps mes vernissages sont l'occasion de faire participer d'autres artistes. Ainsi pour mon vernissage Time of Communion le 24 octobre à la Kitchen dans la 19ème rue, j'aurai la collaboration du musicien japonais Somei Satoh qui a composé spécialement pour mes nouvelles sculptures. C'est le compositeur le plus renommé après Takemitsu. Il y aura aussi la danseuse Kei Takei ( une japonaise de New York qui a travaillé avec Graham, Cunningham et Nikolais) et un baryton : Thomas Buckner. J'aime et j'ai besoin de ce climat d'émulation. Il est important par exemple pour moi de voir qui vient à mon vernissage, quel artiste prend le temps de se déplacer. C'est très important d'être reconnu par ses pairs.
Liliane Touraine
Olivier Debré m'a tenu le même langage et un jour, dans les années 80, lors d'un débat au centre Pompidou, a dit ( très courageusement) qu'il n'était pas bon que des artistes soient davantage promus par des institutionnels de la culture que reconnus par leurs pairs.
Alain Kirili
Je l'ai d'autant mieux compris que lorsqu'en 1975, le MOMA m'ayant acheté ma première sculpture, je me suis approché de William Rubin, et lui ai dit : "Monsieur Rubin, je suis Alain Kirili et je voudrais vous remercier, je suis très ému de ce que vous m'ayez retenu pour être dans cette très grande collection". Il m'a répondu dans un français parfait : "Ah mais non Monsieur Kirili, c'est nous qui vous remercions de cette installation". Du coup j'ai compris que New York était irremplaçable à mon existence.
Liliane Touraine
Cela veut-il dire qu'ils ont acheté l'œuvre sans passer chez toi ?
Alain Kirili
Non, cela veut dire qu'il a pensé que c'était moi qui lui faisait une faveur et pas lui qui m'avait gratifié en achetant l'oeuvre
Bernard Blum
Avait-il besoin de ta pièce pour compléter sa collection ?
Alain Kirili
Oui, Les rapports de l'institution avec la création ne sont possibles que lorsqu'il n'y a pas de rapport de gratification. En Allemagne, par exemple, très souvent les rapports sont des cooptations entre artistes.
Liliane Touraine
Plutôt par Land ?
Alain Kirili
Pas forcément, il est très connu que Joseph Beuys a introduit des artistes auprès des marchands, ce genre de choses.
Liliane Touraine
Et cette cooptation ne s'exerce plus en France aujourd'hui ?
Alain Kirili
Elle existait avant-guerre, mais très peu aujourd'hui. Cela revient mais trop lentement. Autre chose, il est très rare que des conservateurs visitent les ateliers des artistes
Liliane Touraine
Ils le font ici, ils en font le tour ?..
Alain Kirili
Oui…Ils sont des amis
Liliane Touraine
Je n'ai jamais compris pourquoi ils ne font pas le tour des ateliers qui sont dans leur région, au moins pour s'informer, comparer…
Bernard Blum
Ce qui me frappe c'est qu'ont voit rarement des conservateurs dans les endroits publics, hormi lors des vernissages. Comment font-ils pour s'informer ?
Alain Kirili
Uniquement par leurs oreilles, les notions et les bruits qui leur viennent de l'étranger.
Liliane Touraine
Cela revient-il à dire qu'ils s'intéressent davantage à un artiste français reconnu et coopté à l'étranger qu'à un artiste demeurant à côté de chez eux ?
Alain Kirili
Voilà
Liliane Touraine
Combien y-a-t'il d'artistes français à New York ?
Alain Kirili
On est très peu nombreux, les Français sont pratiquement insignifiants ici à New York.
Liliane Touraine
j'ai entendu parlé de Jean Miotte.
Alain Kirili
Oui..je ne l'ai pratiquement jamais vu. La seule personne qui compte pour moi à New York c'est Louise Bourgeois.
Liliane Touraine
Mais elle est plus américaine que française
Alain Kirili
Oui, mais c'est une grande artiste d'origine française, sa langue maternelle est le français.
Liliane Touraine
Et elle continue à le parler ?
Bernard Blum
Est-elle considérée comme française ou américaine ?
Alain Kirili
Je crois qu ‘elle est considérée comme américaine, parce que la nationalité américaine est une notion fédéraliste. On est french-americain, comme on est Italian-american…
Liliane Touraine
Il y a très peu d'artistes français qui ont fait ce que tu as fait
Alain Kirili
Dans l'histoire…
Liliane Touraine
Comment vois-tu l'action du ministère de la Culture et de l'AFFA pour faire connaître l'art en France et comment est-il perçu ? peut-on parler d' une présence ?
Alain Kirili
Je pense qu'il faut donner un coup de chapeau à l'AFFA, car elle a très très bien réussi dans le domaine de la danse. Je peux d'autant plus le dire que j'ai passé une de mes plus belles soirées hier soir avec Angelin Preljocaj, qui est venu grâce au soutien financier de l'AFFA. C'était vraiment c'est sensationnel. En première partie il y avait Helikopter sur une partition de Stockhausen, et ensuite le Sacre du Printemps de Stravinsky. ( Ces 2 spectacles du chorégraphe français d'origine albanaise furent créés respectivement à Créteil et Dijon en 2001) C'est merveilleusement classique et plein de vie, pas un instant de lenteur, d'ennui. C'est une merveille. Les gens hurlaient, il y a eu 5-6 levés de rideau. Une réussite de l'AFFA. Pour les arts plastiques, cette nouvelle équipe de l'AFFA dirigée par Patrick Poivre d'Arvor, enregistre des succès. Par exemple Pierre Huygue dans son domaine, vient d'avoir un grand prix qui s'appelle Hugo Boss. Ce qui va lui donner prochainement une exposition au Gugenheim à New York. Pour ma part, j'apprécie beaucoup la compréhension de l'AFFA. En ce qui me concerne l'AFFA m'a bien soutenu dans mon désir de travailler avec l'Afrique.
Liliane Touraine
De quelle manière ?
Alain Kirili
Cela m'a permis de forger en Afrique.
Liliane Touraine
À quel endroit ?
Alain Kirili
Au Mali, et…
Liliane Touraine
À Ségou ?
Alain Kirili
Tu connais ?
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Liliane Touraine
Oui, nous sommes tombés en panne de voiture en pleine brousse lors d'un voyage d'étude entre Abidjan et Bamako,sans possibilité de faire livrer la pièce de rechange avant plusieurs semaines. Nous étions au bord de la piste quand un responsable d'un ancien atelier de réparation du barrage de l'Office du Niger, les restes de l'action française au Mali, nous proposa de forger la pièce au lieu de continuer à faire des casseroles pour le village . Il n'avait pas encore oublié le savoir acquis au temps de la colonisation…
Alain Kirili
C'était peut être le même forgeron ! … La politique étrangère de la France actuellement va dans une direction qui me convient très bien, puisque notre président de la République soutient la francophonie en tant que proposition alternative à la prédominance anglo-saxonne. Une proposition intéressante qui me touche. Je sais d' expérience que les américains ont été les premiers à reconnaître le facteur animiste au sein de leur culture.
Dans le cadre de la francophonie, il faut quand même que les français se réveillent , soient attentifs au fait que la langue française est aussi une langue partagée avec les animistes… Elle n'est pas seulement judeo-chrétienne. Ce qui veut dire que beaucoup de peuples à travers l'Afrique (des peuples aussi importants que les Bourguignons ou les Provençaux) ont des langues anciennes, millénaires, pratiquent un art poésie, de la musique, de la danse, des arts qui sont souvent secrets à côté des écoles "fondamentales", comme ils appellent les écoles de langue françaises.
Donc moi, en tant qu'artiste, et surtout sculpteur, je suis très sensible à ce que des Européens et les Français en particulier, qui furent les colonisateurs, se sentent responsables de cette francophonie en Afrique, que l'on ne laisse pas faire des génocides de Bambaras, de Senoufos et de Dogons, ce qui nous retomberait sur le dos dans les 15 ans à venir…
Donc par chance, cette politique étrangère a conduit l'AFFA à comprendre non seulement ma volonté de forger au Mali , mais aussi de travailler avec un sculpteur Dogon. Que les Européens ne croient pas que le monde dogon est un monde archéologique, c'est un monde vivant. La première phase que vraiment j'apprécie du président de la République, c'est d'avoir décidé d'imposer les arts premiers dans une aile du Louvre pour et ensuite de leur créer un musée. Je pense que notre contribution à nous les artistes, c'est de travailler avec les africains, et à moi très modestement, de travailler avec un Dogon.
Liliane Touraine
De faire le lien entre Afrique et Occident ?
Alain Kirili
De faire le lien. Ainsi je me suis battu et j'ai réussi sans trop de mal, je dois le dire, de faire installer une œuvre d'un sculpteur Dogon vivant, au cœur de Paris, dans les Tuileries.
Bernard Blum
C'est intéressant, car en fait les artistes africains qui sont montrés ici sont profondément occidentalisés et ceux qui sont authentiquement africains ne sont pas montrés.
Alain Kirili
Tu as raison, ce qui ouvre un nouveau chapitre. Les artistes qui exposent en Europe ne sont pas animistes, mais d'origine musulmane. L' artiste d'origine authentiquement animiste est automatiquement très rare, car il doit obligatoirement appartenir à la caste des forgerons qui seule autorise à travailler avec le feu, c'est à dire à forger. Ma collaboration avec Dolo le malien a été au départ difficile car il n'était pas de la caste des forgerons et n'avait donc pas le droit de forger.
En ce qui concerne mes sculptures travaillées dans la maison de Dolo à Ségou, le bois est l'œuvre de Dolo, ce qui est en fer c'est de moi, car j'ai le droit, en tant que français, d'être forgeron, pas lui. C'est le pouvoir des castes, lui ne pouvait pas et il s'est limité à tailler le bois. Ce sont donc des sculptures à 4 mains. L'histoire est comme ça.
En ce qui concerne le problème d'authenticité, l'africain converti à l'islam crée sur la base d'une fausse tradition africaine. Par contre l'africain qui est dans sa tradition animiste subit des interdits de caste. Il est obligé de jongler avec eux. Dolo a donc quitté son village de Donga pour s'établir 100 km plus loin à Ségou pour pouvoir tailler son bois sans heurter la vie du village. Dans ses œuvres, il a toujours laissé des parties non terminées pour, symboliquement, laisser au forgeron du village la charge de "forger" finalement la sculpture. La culture des animistes, du fait de son ancienneté, constitue un patrimoine humain et vivant que nous devons préserver. C'est ce que j'ai expliqué à l'AFFA et l'AFFA m'a aidé.
Elle a financé une expo au Centre Culturel Français (CCF) de Bamako qui a bien marché. De plus j'ai demandé aux ministres Trautman puis Tasca que le ministère achète une œuvre de Dolo. Elles ont pu dire : "si Chirac installe du dogon archéologique, nous nous installons du dogon contemporain".
J'ai fait venir l'œuvre et l'artiste sur des bases très saines :
1) le ministère paie l'œuvre à un prix normal,
2) on paie à Dolo son billet d'avion,
3) on lui donne un per diem pour son séjour : un minimum 100 dollars par jour.
La sculpture est aujourd'hui installée dans les Tuileries après avoir été inaugurée par Madame Tasca. C'est une action très positive. Ensuite les sculptures que j'ai faites avec Dolo, on été montrées au CCF et par la suite transportées en France, aux frais de l'AFFA pour être installées au château de Chamarande, chez Dominique Marches, où elles sont toujours. Dominique Marches vient d'ailleurs de me téléphoner qu'il va les acheter. Nous avons donc obtenu un résultat sensationnel : l'acquisition d'œuvres faites de concert par un dogon et un parisien par les collections nationales.
Liliane Touraine
Quand tu dis de payer l'œuvre au prix normal, c'est payer au niveau…
Alain Kirili
Le prix des artistes européens.
Liliane Touraine
C'est difficile, vous avez tous des niveaux différents.
Alain Kirili
Je veux dire d'un jeune artiste qui démarre. On a du payer à l'époque 50 ou 60000 francs. C'est normal. Mais surtout, ce que j'ai réussi à faire et qui n'est pas normal, c'est l'allocation d'un per diem. Je dois encore approfondir le projet. Les dogons, comme tous les animistes ont un langage très codifié, mais aussi une part d'improvisation. J'ai donc proposé d'associer la musique et la danse des Dogons aux sculptures concrètes. On a alors réussi à payer le voyage à la société de masques de Songa, qui sont tous des paysans, pour danser et chanter à Bamako au moment de l'inauguration.
Mais le chef de la société de masques, qui est le cousin de Dolo (Sékou) m'a dit, Alain si tu fais de la sculpture contemporaine avec Dolo, il serait peut être bon d'avoir une chorégraphie contemporaine, je te propose qu'on en fasse une. J'ai discuté avec lui cette opportunité dans la nuit, sans électricité, comme on le fait en Afrique et j'ai dit, Sékou : "j'en rajoute une louche : si on faisait venir les plus grands improvisateurs afro-américains pour dialoguer avec nous" ? Il a dit : "génial, il n'y a pas de problème".
Je suis rentré à New York et ai parlé avec les grands afro-américains, c'est à dire ceux du jazz, du free jazz, très abstrait, ceux qui représentent 40 à 50 ans de l'histoire du jazz, ceux de l'ensemble de Chicago, qui sont venus en France dans les années 70… Et ils sont venus ! ils ont dialogué avec la société de masques à Bamako !. On a eu comme ça une succession d'échanges profonds où on a réussi, grâce au financement de l'AFFA, à atteindre quelque chose dont je rêvais et qui était de remplacer le rapport anthropologique occidental qui prétend étudier et expliquer comment tu couches, comment tu éternues , par un rapport d'égalité d'artiste à artiste. Entre artistes, les rapports ne peuvent qu'être d'égalité, c'est tellement fort. Bamako, c'est un New York, Bamako. Il y a une vitalité artistique…C'est une petite ville de 300.000 habitants, mais le Mali est resté tellement fort dans ses traditions.
Bernard Blum
Les maliens sont des gens particulièrement industrieux, le Mali est plus riche en traditions que le Sénégal.
Alain Kirili
D'abord ils ne sont pas au bord de la mer, ils ne sont pas exposés au monde occidental et ils n'ont pas subi l'esclavage. La colonisation française s'est relativement bien passée. Ils sont battus activement pour leur indépendance, mais pas de façon violente. Au Mali il n'y a pas de ressentiment anti-français.
Bernard Blum
C'est le contraire je connais un malien à Bamako, Sékou Traoré, qui dit que le Mali fait partie de la France. Il ne voit pas la frontière….
Pour les artistes, New York est-il un lieu de création ou un lieu pour la diffusion des arts ?
Alain Kirili
Les deux, car c'est le lieu le plus cosmopolite du monde. Je parle de New York. Il y a sûrement plus d'animistes qui vivent à New York que dans n'importe quelle capitale d'Europe. C'est une société très riche sur le plan du tissu humain et de l'esprit. C'est un milieu très intéressant car c'est la capitale mondiale du capitalisme, avec Wall Street et cette sorte puissance financière qu'on vit, au quotidien, par ces informations à la radio ou à la télévision qui annoncent des bénéfices et des pertes par millions. Ce qui est curieux, c'est que les intellectuels réagissent de manière positive à cela. Par exemple, il se développe un esprit de rebellion d'où surgit un circuit un alternatif militant.
Liliane Touraine
Cela se traduit comment ?
Alain Kirili
Par des actions d'un tonus assez exceptionnel… Par exemple les plus grands musiciens du free-jazz sont allés jouer dans le métro. Il est bien connu qu'à ses débuts, Solly Rollings, le plus grand saxophoniste d'aujourd'hui, a trouvé sa puissance, son inspiration en faisant ses répétitions sous un pont… Parce qu'il n'y a pas d'argent institutionnel, les artistes se mettent ensemble pour créer un festival. Un festival qui s'appelle "Vision Festival" qui fait l'envie du monde entier. Les anglais, les belges, les suisses, les allemands, les autrichiens se battent pour avoir chez eux "Vision Festival". Or au début, ce fut un projet lancé par un couple d'artistes. Lui, est un très grand contre-bassiste afro américain, William Parker, et elle, sa femme est une danseuse, Patricia Nichelson. Ils ont en plus deux enfants. Voilà des gens qui n'ont aucune aide publique et qui ont les meilleurs musiciens autour d'eux et le monde entier veut les faire venir, l'on suit sur internet leur programmation.
Liliane Touraine
Comment arrivent-ils à vivre ?
Alain Kirili
Ils vivent en travaillant beaucoup. Ils jouent presque tous les soirs. Il dépensent une telle énergie, que leur niveau ne cesse de monter. Ils arrivent en fait à gagner de l'argent en faisant payer les européens. Puisque les européens les veulent, ils les font payer très cher.
Liliane Touraine
Donc ils se déplacent en Europe
Alain Kirili
Oui, on peut dire que l'Europe représente une partie de leur revenu
Bernard Blum
Au niveau des arts, il y a dans certains quartiers de New York une concentration de galeries qu'on ne trouve pas en Europe.
Alain Kirili
Moi, personnellement, ça tend un peu à me déprimer car il y a un goût, dans ces galeries, qui correspond à un monde de nouveaux riches. Il y a un académisme de la modernité qui fait très BCBG. Il faut avoir tel type d'art chez soi. Donc je crois que ce développement commercial n'est pas très bon. Mais je me souviens très bien de la remarque de mon illustre prédécesseur à New York, Edgar Varese. Un jour il a dit : "l'Amérique souffre du commercialisme, l'Europe de son administration"…
Pour terminer, je voudrais souligner un autre point et à porter au crédit de ce "village" new yorkais : c'est le développement de la présence des femmes dans l'art ; Cet air du politiquement correct des américains, tellement décrié en France a entrainé un plus grand respect pour les femmes, les minorités ethniques et aussi pour les noirs. Avant on disait les "nègres" pour désigner les afro-américains. Depuis la campagne "Black is beautiful", on dit : "les blacks". C'est quand même autre chose !
Propos recueillis par Liliane Touraine et Bernard Blum
le 19 octobre 2002, photos Bernard Blum
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