Jeff Wall, Nicolas Schöffer, Henri Cartier Bresson, Larry Towell, Warhol, Tillmans, Kunstmuseum Bâle, Schaulager Bâle
Covering the Real Rivaliser avec le réel et la ressemblance Luminodynamiques 1 |
Jeff Wall, courtesy Schaulager Bâle
Actuellement 4 expositions, celle de la fondation Henri Cartier Bresson et Nicolas Schöffer à l'Espace Electra à Paris, et à Bâle, en Suisse la rétrospective Jeff Wall au Schaulager et la brillante démonstration Covering the Real au musée des Beaux Arts, donnent ensemble une intéressante perspective de la photographie et des médias, de leurs ambiguïtés et connivences avec les arts plastiques dits conventionnels.
Lorsqu'au 19ème siècle, la photographie apparut, la peinture traditionnelle, celle qui voulait rivaliser avec le réel et la ressemblance, cette peinture du paysage et du portrait semblait vouée à disparaître au profit d'une technique bien plus adroite dans cet exercice. Pourtant, très vite, les photographes ont voulu s'engager dans les sentiers traditionnels des plasticiens et ont adopté leurs techniques éprouvées : cadrages, mises en page, montages, truquages. Ainsi Henri Cartier Bresson, dans le film inédit de la Neue Zürcher Zeitung que présente sa fondation, explique combien l'instantané qui fait sa réputation ne peut être "bon" que s'il correspond aux canons de la reproduction graphique la plus traditionnelle. L'émotion qui vient s'y ajouter quand le sujet s'y prête ne sert qu'à accrocher le spectateur, mais n'est pas du ressort de "l'art" de la photographie. Suivant les traces d'Alain qui prétendait que "l'Art est le dépassement du quotidien", les photographes-reporters comme le canadien Larry Towell (No Man's Land – fondation Henri Cartier Bresson) ou d'autres souvent talentueux, donnent au contraire une place prépondérante à l'émotif, quitte à se cantonner aux scènes de l'horreur quotidienne, mais inacceptable, de la guerre et du terrorisme, de l'exploitation des enfants à des fins politiques et de la haine, sans vouloir respecter l'intimité de la douleur et de la misère. Ici, les photos et la mise en scène entendent servir une cause. Elles entendent nous faire détester la violence, sans reconnaître cette violence qui consiste à violer la souffrance et l'intimité des victimes inconscientes et non consentantes de l'actualité. Warhol, nine Jackies, courtesy Kunstmuseum Bâle
C'est ce matériau médiatique ambigu qui, par un curieux retour deviendra la source de l'inspiration, et parfois l'outil, de nombreux artistes contemporains, de Warhol à Tillmans comme se plait à le montrer l'exposition du musée des Beaux Arts de Bâle. En effet, fascinés par "l'effet" des images diffusées par les médias, beaucoup d'artistes plasticiens se les sont réappropriées pour en capturer l'émotion, car "l'art n'est-il pas émotion" ?
Déjà en 1961, Nicolas Schöffer produisait avec J. Kerchbron l'émission télévisée présentée par Catherine Langeais : "Variations Luminodynamiques 1" et en 1974 avec Art et Télévision, il voulait "faire entrer l'art par toutes les portes, dans tous les intérieurs…". En 1969, dans un texte intitulé "L'art de l'avenir", Schöffer prétend que "l'artiste doit cesser de pratiquer un art de l'image pour créer un art du conditionnement. Il ne suffit plus de donner des impressions au public, il faut l'impressionner durablement". Ces références historiques font malheureusement défaut lorsque le Kunstmuseum de Bâle montre comment les images sont produites, diffusées, par exemple par l'agence de presse Keystone de Zürich, puis subtilisées, souvent avec des techniques sophistiquées (voir la pièce de Tillmans). Cette exposition qui se veut très didactique est cependant assez abstraite et difficile à suivre, car les intentions des plasticiens dépassent la plupart du temps l'aspect visuel et sont à comprendre au 2ème degré, et un public non averti nécessiterait un fil conducteur plus évident. Cette exposition reste cependant une excellente introduction à la rétrospective Jeff Wall au Schaulager de Bâle. Alors que Robert Doisneau, pour exprimer une impression ou illustrer un sujet, à l'instar des peintres traditionnels, faisait des compositions en faisant "poser" les acteurs de ses photos, Jeff Wall, lui, utilise les techniques de la photo numérique et de l'ordinateur pour assembler des centaines de prises de vues et obtenir des montages parfaits de "réalisme". L'effet de ces grands diaporamas est saisissant et seule une observation plus fine des œuvres permet d'en dénicher l'incongruité ou le symbolique.
Larry Towell ©, Magnum Photos, avant la fermeture définitive du mur
Jérusalem, 2004
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Revealing the Real, Kunstmuseum Basel, St Alaban Graben 8, Bâle, Suisse, du 1er mai au 21 septembre 2005
tél. : 0041 61 206 62 06 www.kunstmuseumbasel.ch catalogue : 320 page 58 Sfr.
Larry Towell, "No Man's Land", Fondation Henri Cartier Bresson, 2, impasse Lebouis, 75014 Paris, du 15 avril au 6 août 2005
tél. : 01 56 80 27 00 www.henricartierbresson.org du mercredi au dimanche de 13h00 à 18h30, nocturne mercredi jusqu'à 20h30
Nicolas Schöffer, "Ballets de Lumières", Espace EDF Electra, 6, rue Récamier, 75007 Paris, du 17 mai au 11 septembre 2005,
ouvert tous les jours, sauf lundi de 12h00 à 19h00 www.edf.fr
Jeff Wall, Schaulager, Bâle Suisse, www.schaulager.org catalogue réservé aux critiques suisses, qui dit que l'art n'a pas de frontière.
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