La collection Im Obesterg, l'une des dernières grandes collections privées suisses d'art classique moderne se fixe définitivement au musée des Beaux Arts de Bâle.

Cette collection remarquable par le nombre et la qualité des œuvres assemblées, vient d'attirer à Vienne, Autriche, une foule considérable d'admirateurs. Elle compte plus de 140 pièces dont la fameuse Buveuse d'absinthe de la période bleue de Picasso, les trois juifs de Chagall, une éblouissante série de 30 Alexej Jawlensky, un ensemble du peintre Chaim Soutine à quoi s'ajoutent les œuvres d'autres grands maîtres du 20ème siècle comme Kandinsky, Klee, Rodin, Cézanne, Redon, Hodler, Maillol, Modigliani, Nolde, Rouault, Soutter, Tapies, etc. A souligner que toutes ces œuvres ont été acquises aux meilleurs moments de leur créateurs.

Karl Im Obersteg (1883-1969) fut un transporteur et agent de voyage bâlois, et son fils Jürg (1914-1983) fut professeur de médecine légale. A tous deux, durant plus de 70 ans, ils ont acquis des œuvres majeures de l'art international du 20ème siècle, enrichissant une collection, sans concept particulier mais seulement au gré de leur amitié avec des artistes tels que Jawlenski et Chagall. De leur attirance pour une peinture figurative expressive il ressort de cette collection comme une impression générale de mélancolie. Pendant une longue période ils se sont intéressés aux artistes russes et français, puis après la 2ème Guerre mondiale, leurs regards se sont portés sur les nouvelles tendances du moment, l'existentialisme de Bernard Buffet des années 50 mais aussi Serge Poliakoff, Jean Dubuffet et Antoni Tapies…

L'accord signé en 2002 entre le conseil d'état du canton de Bâle-ville et la fondation Im Obersteg, illustre bien la politique patrimoniale menée en Suisse. Non seulement cette politique vise à maintenir dans la Confédération des œuvres déjà présentes en Suisse, mais elle s'attache aussi, et cela est remarquable, à préserver ensemble l'esprit de cette collection.

Insistons sur le fait que les œuvres ne sont pas réparties en divers musées, en diverses salles puisque la collection doit pouvoir être présentée en son ensemble au moins tous les 8 ans.

Trop souvent en France, lors des héritages, par le jeu imposé des dations, les œuvres acquises sont dispersées sur diverses institutions muséales au détriment de l'esprit du collectionneur qui les avait amoureusement rassemblées. Ceci était particulièrement flagrant lors de la réouverture, après rénovation, du très bel hôtel particulier des Camondo, hôtel situé dans le parc Monceau à Paris. Il abrita une magnifique collection qui malheureusement a sombré corps et biens dans les réserves de l'état. Cette collection avait été constituée à la même période que celle de Karl Im Obersteg et compta de la même façon les maîtres de l'époque. En France, le fonctionnariat culturel s'approprie les œuvres en négligeant totalement l'esprit du collectionneur. Pourtant le couple artiste-collectionneur/mécène a souvent été l'un des ferments nécessaire à la création. Que l'on songe aux couples Louis XIV - Le Nôtre, Napoleon - David ou van Gogh - Gachet. Il est très important de conserver aussi vivante que possible la mémoire d'une collection.

Bernard Blum et Liliane Touraine
Bâle, février 2004