Se vendre, se mutiler pour vivre, marchander ou brader sa création pour se voir éditer, c'est cette qualité qui le rend fade et même traître aux yeux de certains.
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Le signe se mange à quelle sauce ?
Traiter de la différence, de la complémentarité, de la transparence qui existe entre deux domaines est-il possible, sachant que pour moi cette question n'a toujours pas trouvé de réponse.
Malgré cela il m'est possible de donner quelques éléments, quelques bribes de questionnement, l'art et le graphisme. L'Art et le graphisme. L'Art et le Graphisme.
Quelle est la formulation la plus juste, quelle est la plus en accord avec l'évolution de nos sensibilités ?
C'est l'un ou l'autre, la question se pose et vous est posée. Aucun compromis n'est accepté, il vous faut choisir ou on le fera pour vous. Comment déterminer ce que l'on fait dès le matin en ouvrant les yeux. Quand on se met à la recherche de nouvelles manières d'interpréter le monde que l'on vit.
Une fois la question du support dépassée, l'objet existe. On remarque simplement que la frontière est passée, on ressent le no man's land franchi. Le Graphisme n'est pas l'Art et vice et versa. Alors pourquoi les confronter, pourquoi se demander lequel des deux a la plus grande noblesse.
Ou pourquoi se demander quel est le plus noble à produire de l'émotion ?
Se vendre, se mutiler pour vivre, marchander ou brader sa création pour se voir éditer, c'est cette qualité qui le rend fade et même traître aux yeux de certains. Et ce après tant d'efforts et de combats envers les idées reçues et les personnalités frileuses.
Le designer a choisi des espaces de monstration, tout comme l'artiste. L'un choisit la surface du papier sous toutes ses formes (même les plus contemporaines), l'autre choisit celle du mur.
Sur la scène contemporaine, de nouvelles espèces de graphistes transforment cette vision monoculaire et manichéenne, des glissements s'opèrent et la confusion des genres s'installe. Certains groupes de graphistes possèdent leur propre laboratoire artistique, d'autres leur propre démarche expérimentale liée au commercial,… la tendance n'est donc plus à exister seulement à travers le commanditaire. Ils constituent des cellules autonomes de production, intégrées dans le contexte de l'offre et la demande.
A l'aise dans les systèmes du marché, ils cultivent une haute exigence dans la création graphique. Sans reproduire le schéma des agences de communication, ils explorent des formes autonomes de production qui ne remettent pas en cause la suprématie du marché. Ils adaptent la liberté de la création aux obligations des commandes, tout en gardant pour certain un espace libéré de toute contrainte.
De ces-derniers, le duo anglais Neasden Control Centre, les Tomato de Londres, les Labomatic de Paris ainsi que les M&M en font partie. Leur recherche n'en reste pas aux piliers du graphisme (bien sûr il y a toujours un travail sur la typographie, mais pas dans un but détourné du fonctionnel), la photographie, l'architecture, la vidéo ainsi que le cinéma et l'installation sont visités d'une manière plasticienne.
Des nouvelle forme "POP" apparaissent à la vision contemporaine de notre société.
"POP" au sens contemporain du terme, ils revendiquent l'influence des multiples langages actuels, leur sensibilité mixe et fusionne toutes les influences et les styles de leur génération (jeux vidéo, téléréalité, cinéma, kitsh, luxe vulgaire, bobo attitude,…). Leurs aventures plasticiennes glissent et surfent vers l'univers artistique : ils exposent, peuvent présenter des toiles, des collages, des travaux photographiques,… ils se questionnent "tels des artistes" sur la question de l'accrochages de leurs œuvres. Ils naviguent entre le "grand art" et "la culture populaire".
Pour résumer ils possèdent la panoplie complète de "l'artiste contemporain". Partir du mur d'images d'un atelier, aborder le procès de création et établir des relations avec les plus grands courants artistiques sont des outils pour comprendre ce type de plasticiens. En prenant le problème dans le sens opposé, un artiste dans le monde du graphisme, Bruno Peinado peut prendre place. Cet artiste utilise les mêmes outils de notre contemporanéité que précédemment : mixage et fusion des codes culturels, générationnels et de représentations sont développés dans sa dernière exposition. Son vocabulaire est similaire mais ce qui découle de son assemblage possède une aura particulière.
Pour ce dernier la question à savoir si ce qu'il nous montre est de l'art ne pose pas, alors que pour d'autres elle ne trouve toujours pas de solution. Ces nouveaux moyens d'expressions pour un graphiste ne sont-ils pas encore le fruit d'une démarche spécifique à leur pratique et non à celle d'un artiste ? Leur manière de voir le monde et de l'interpréter visuellement n'est pas aussi élastique qu'ils l'espèreraient sûrement. L'esthétique est là, grandiose souvent, mais peut-être pas son développement. Leur culture et leur sensibilité les rattrapent. Le questionnement ne s'arrête pas à ces deux domaines, le graphisme aussi possède ses enfants adoptifs : certains graphers frisant l'expérimental pratiquent une douce dérive vers le milieu du graphisme expérimental et de l'art contemporain. Les interrogations sur la définition des genres est en pleine expansion, tel un adolescent à la recherche de lui-même, mais leur croisement, à défaut de les stabiliser, provoque des étincelles en décuplant leurs qualités.
Les designers se montrent dans des espaces similaires aux artistes, ils proposent leurs recherches et créations plastiques, leur "autopromotion" ne se fait pas que par des expérimentations bidimentionnelles.
En pratiquant la dimension spatiale le graphisme se développe, s'éloigne de son origine tout en enrichissant sa pratique conventionnelle. Le seul intérêt à les confondre est de déterminer le nouvel espace qui se crée : l'espace des multiples influences, des rebondissements, des échos puissants,… un nouvel espace né de la dilatation des vibrations communes. Ce dernier n'invente pas son époque, il l'accouche.
Une synergie apparaît et un lieu se crée en laissant les deux autres intactes. (?) Un espace intermédiaire qui déstabilise ses pairs, espérant devenir autonome. (?) Un croisement des médias est opéré pour une critique des représentations primaires, le mixage, le déplacement, le débordement, l'hybridation entre analogique et numérique. Le graphisme expérimental analyse les mécanismes et les codes du langage propre au monde dans lequel il navigue. L'objectif est de déstabiliser le système traditionnel de la communication visuelle pour renouveler et rejeter toute idée de frontière. Ils recherchent de nouvelles configurations plus hybrides avec plus de sens, ceci par une multiplicités des combinaisons. Ainsi les frottements, les luttes et les tiraillements sont souhaités, au minimum une tension est attendue entre convention et invention, conservatisme et expérimentation.
Frank Marry Le Havre, septembre 2004
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