La typographie
répond à
des arabesques
stylisées et
raffinées
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Née en 1963 à Hong Kong, Fiona Rae vit et travaille à Londres. Elle est apparue sur la scène artistique au sein de la génération des Young British Artists, dans les années 80. Depuis ses débuts, la peinture abstraite de Fiona Rae pose le questionnement de la réalisation picturale dans un contexte contemporain de multiplication des références et des images.
L'exposition au Carré d'Art de Nîmes rassemble une trentaine d'œuvres des dix dernières années de l'artiste, ce qui permet de voir une progression plastique, esthétique et langagière. Elle est construite selon un parcours chronologique chaque salle représentant une série de l'artiste, avec des toiles toutes de grand format.
La première salle présente des œuvres du début des années 90 marquées par un expressionnisme abstrait important. L'artiste explore différentes variations de touche, créant des "cellules" sur un fond monochrome, souvent blanc.
Les séries "black and white series" (1997), "black series" (1998), exposées dans les salles suivantes font preuve d'une maturité et d'un développement stylistique important. Les tableaux sont alors beaucoup plus construits, avec des jeux de contrastes ; des formes géométriques (ronds et rectangles) font leur apparition, la gestuelle est maîtrisée sur un fond moiré où se mêlent le blanc et le noir, un fond que Fiona Rae associe à l'effet de « neige » de la télévision après la fin des programmes et qui suggère une sorte d'incertitude. Ces tableaux tous titrés font référence directement à l'image de télévision et au monde de l'horreur, auquel certains titres font allusion. D'ailleurs l'artiste dira sur ce sujet que ces "œuvres reflètent son état d'esprit, souvent inquiet". Ces deux séries sont directement influencées par la culture contemporaine de la télévision, du cinéma, des jeux vidéo, bref une certaines culture "techno".
La dernière série, "font series" (2000-2001) présentée dans les deux salles suivantes, offre une rupture, d'une part parce que l'informatique prend une place importante dans la conception et le travail préparatoire des toiles. D'autre part, Fiona Rae change de gamme de couleur. Elle retrouve les bleus, roses, gris, d'un rendu légèrement métallique, nocturne, avec des paillettes. Dans ces peintures basées sur un espace flottant, l'artiste accentue notre désorientation grâce à la répétition des mêmes fragments de caractères typographiques occidentaux ou japonais à des échelles et dans des sens différents. La mise en place de ces éléments, les couleurs sont travaillées sur palette graphique, avant d'être reproduites sur les toiles. Fiona Rae revient à des influences "plus calmes", comme par la typographie, la BD, le manga ; l'estampe, mais c'est aussi le moment ou elle incorpore l'informatique.
L'exposition se termine avec un long triptyque de dix mètres, de cette année même, qui est une sorte de conclusion de l'exposition ; celui-ci prend en compte toutes les avancées stylistiques que Fiona Rae a développées depuis dix ans. L'œuvre toujours abstraite emprunte un langage où le symbole, la typographie, la citation sont omniprésents, tout comme les jeux de courbes, proches des végétaux stylisés des estampes japonaises d'Hokusaï et d'Hiroshige. Cette toile est l'une des plus intéressantes de l'exposition, car elle parait animée, tous les éléments sont en mouvement, la typographie répond à des arabesques stylisées et raffinées. On peut néanmoins regretter que le geste, le mouvement des premières œuvres ait complètement disparu des ces dernières salles.
Clément Nouet Nîmes, janvier 2003
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