Les premiers mots que nous sommes tentés de faire rimer en découvrant le travail d'Elodie Antoine pourraient se limiter à féminité, fécondité et pureté. À bien y regarder, cette apparence consensuelle fait cependant défaut. Je vais donc abstraire toute pudibonderie et décrire en quelques lignes sa récente exposition à la galerie Desimpel en mettant en avant la monstruosité, la perversité, la morbidité de son œuvre.
malformation de la réalité |
Une photo. Elle est là, debout, la tête abaissée, observant son ventre rond et les trous béants dans sa nuisette de satin. Ce n'est pas sa chair qui y apparaît mais un étrange amas de tissus sombres, comme une maladie qui aurait à la fois gonflé et rongé ses entrailles. Le même type de dégénérescence se reproduit sur un tapis poilu, mort au milieu de la pièce. Trois bosses dodues apparaissent à sa surface, cachées par la tonsure, et semblent prêtes à libérer quelques ovoïdes créatures. Petit à petit, les murs blancs et lisses de la galerie sont envahis de pustules de tissus vert. Ils s'installent dans les coins, s’extirpent progressivement du plafond, finissent par traverser une paroi et explosent l'assise d'une chaise pour voler la place à quiconque voudrait s'y reposer. Il eut en effet été bon de s'asseoir pour respirer un peu et compter le temps sur ce boulier constitués de petits chignons crêpés, une dégoûtante collection de cheveux roux arrachés. Une blanche et molle forme en feutre nous observe de son trou obscène et semble vouloir nous supplier de ne pas la menotter comme ses noirs congénères pendus de l'autre côté de la pièce. Tout dégénère, même le peu de souvenirs du réel. Les grilles, les pylônes, les cheminées d'usine, les délicates architectures en dentelle se transforment en radicules anarchiques et semblent définitivement condamner tout rationalisme.
Il n'est pas rare d'entendre dire que l'art est une déformation de la réalité. Concernant le travail d'Elodie Antoine, on peut enfin prétendre que l'art est une malformation de la réalité, alors ne nous en privons pas.
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Galerie Frederic Desimpel, du 9 mars au 13 avril 2007, Rue Bosquet 4, 1060 Bruxelles, www.galeriedesimpel.be
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