Effervescence
La sculpture "anglaise" dans les collections publiques françaises de 1969-1989
 
 
L'engouement de la France pour la nouvelle sculpture anglaise de cette période est mis en lumière. Ces artistes sont au sommet de leur art et un véritable renouveau émane de leurs idées transgressives et novatrices.
Au
delà
de la
notion
de
sculpture,
la
vitalité
artistique
Anish Kapoor
 
Anish Kapoor, 1000 names
 
 
La première initiative revient à la galerie Yvon Lambert, à Paris en 1969 pour l'exposition de l'artiste Richard Long, et son apogée se trouve en 1989, en Normandie, à Anvers et Toulouse, dans l'exposition Britannica organisée par deux jeunes conservateurs Françoise Cohen et Françoise Grenier.

La présence des artistes anglais a été favorisée par la qualité et la richesse de l'enseignement artistique britannique, dû à des professeurs éminents. L'école d'art possède un caractère unique dans l'enseignement supérieur britannique. Elle est plus fondée sur la pratique et la contestation sociale radicale que sur la théorie. Cette nouvelle génération d'artistes nés après-guerre réagit au formalisme. Ils se démarquent de leurs aînés, explorent de nouvelles voies, utilisent de nouveaux matériaux, s'intéressent à la nature, mettent en jeu leur corps dans l'espace. Tels Gilbert et George qui deviennent des sculptures vivantes , ou Buce McLean qui se consacre d'abord à des performances. Ils développent des démarches conceptuelles, réalisent des actions ou proposent des installations éphémères. Les travaux de Richard Long, Hamish Fulton, David Nash, Andy Golsworthy, mais aussi Roger Ackling ou David Tremlett s'inscrivent dans la lignée des "poètes jardiniers" anglais. Ils sont influencés par leurs lectures de penseurs et de philosophes continentaux.

La notion de sculpture évolue par un refus total de la considérer comme une masse inerte. Aussi, les artistes expérimentent de nouveaux matériaux et mettent en évidence des installations, des concepts, des performances et des détournements d'objets familiers. Se servant de la photographie pour garder des traces ou des documents concernant leurs œuvres, ils délaissent les ateliers et s'approprient de nouveaux espaces, aussi bien la plage, le toit, la rue ou le sentier. Ils répondent à de nouvelles sollicitations.

Ils sont aidés par un réseau de galeries dynamiques dont la première est Yvon Lambert. Nous les trouvons dans de multiples expositions nationales et internationales comme la Biennale de Venise, la Documenta à Kassel ou la Biennale internationale des Jeunes à Paris.
L'accueil de ces nouvelles œuvres est favorisé en France par les transformations culturelles qu'elle connaît au début des années 80. La décentralisation et la création d'institutions publiques apportent notamment un dynamisme, une audacieuse création artistique et comblent ce désir de liberté. A partir de 1982, dans le cadre politique de la décentralisation, Paris ne doit plus être le centre de la France. Les villes régionales comme Lyon, Bordeaux, Lille, Marseille, Nantes… ouvrent de nouveaux musées. Ces derniers sont très actifs ainsi que les centres d'art qui émergent et tous organisent plusieurs expositions, prolongeant ainsi le travail de recherche et de prospection de ces artistes anglais.
 
 
Daniel Tremblay
 
Daniel Tremblay, Raven's Blues
 
 
Ces expositions individuelles ou collectives dans des musées ou dans des centres d'art contemporains s'inscrivent dans un nouveau concept du lieu d'exposition, dorénavant considéré comme laboratoire. Elles sont favorisées par une jeune génération de conservateurs engagés dans ces structures. Elles sont aidées par les Drac, les conseillers pour les Arts Plastiques et la nouvelle Dap, dont la mission est d'associer l'Etat à la Région par l'intermédiaire des Frac, qui détiennent une belle collection de cette génération charnière d'artistes anglais.
Le British Council, installé à Paris, a beaucoup contribué depuis 1976 à la diffusion de leurs artistes. N'oublions pas l'ouverture du Centre George Pompidou l'année suivante. L'intérêt pour tous ces acteurs institutionnels ou privés est omniprésent dans cette exposition rétrospective.

Ce qui caractérise ces artistes est un souci de grande liberté, un vrai professionnalisme avec une farouche volonté de fonder leur travail sur l'expérience, expérience de l'espace, expérience de la nature, des matériaux, des objets, des gestes et des lieux. Parmi ces artistes, notons-en deux, d'origine française, Daniel Tremblay et Jean-Luc Vilmouth. Ils sont imprégnés par leur séjour en Angleterre et influencés par le mouvement. Tous travaillent avec des objets empruntés à la société de consommation. A l'époque, l'Angleterre éprouvant des problèmes économiques, ils n'ont pas d'argent, mais créent quand même avec des matériaux de récupération. Le point commun à tous ces artistes, en effet, est la référence à l'objet, à son leurre, à sa contrefaçon, son bricolage dans des trucages.
L'étrange distance entre l'Angleterre et notre continent n'empêche pas ce bouillonnement créatif de commandes, d'achats sur environ une vingtaine d'années. Quarante-quatre sculptures de l'école anglaise sont ici présentes. Elles font partie des collections publiques françaises.

Cette très belle exposition nous rappelle le foisonnement de l'époque. Elle met en relief la richesse d'âme, la transgression des valeurs, ce souffle de liberté dont le résultat zen émane des œuvres.
Elisabeth Petibon
Angers, août 2005
 
Tony Cragg
 
Tony Cragg, la lune bleue

Musée des Beaux-Arts d'Angers, 14, rue du Musée, 49100 Angers, tél. : +33 (0)2 41 05 38 00
Ouvert tous les jours de 10h à 19h et nocturne tous les vendredis jusqu'à 21h. Exposition jusqu'au 18 septembre 2005
Directeur et Conservateur en chef des musées d'Angers Patrick le Nouêne
Commissaire de l'exposition Catherine Ferbos-Nakov en collaboration avec Aude Bodet

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