Elizabeth Diller et Ricardo Scofidio



Diller & Scofidio, Master/Slave, © arcspace

Diller & Scofidio






nous montrent,






la signification






sociale de






la pelouse.



Scanning : The aberrant Architecture of Diller et Scofidio. Au 5ème étage du Whitney Museum of Art, à New York, une exposition polymorphe. Le pont entre les diverses activités de ces deux créateurs semble évident de salle en salle. Pourtant, mystère, malaise, étonnement nous saisissent en une suite de stimulations typiquement américaines.

La succession de logos d'entreprises qui constituent le Gotha de la mondialisation nous laisse pantois, les yeux rivés au sol. Car les artistes ont voulu que nous foulions au pied ces signes de toute puissance contemporaine. Dans un morphing habile, on passe de MacDonald à Elf, de Chrysler à IBM, d'Apple à Coca Cola. Les marques ne sont pas seulement américaines, l'Europe est bien là, dans cette course inéluctable aux "places" du futur. Ce simple défilement de signes qui se transforment, selon des règles graphiques maîtrisées à la perfection, fascine.
Après avoir démontré avec une extrême simplicité la similitude des stratégies mercantiles des nouvelles "institutions mondiales", nos deux constructeurs-destructeurs passent ensuite… au gazon.

Cette invention anglaise est aussi une marque, un logo, celle de la civilisation suburbaine. Diller et Scofidio nous montrent, grâce à une astucieuse présentation stéréoscopique, la signification sociale de la pelouse. Un côté "peigné", l'autre non. Gazon grillé, herbes folles font mauvais genre dans l'environnement quadrillé de la suburbanité américaine. Celle que l'on retrouve partout dans ce vaste territoire, au point de ne jamais savoir si l'on se situe en Floride, au Nevada, au Texas ou dans le Connecticut. La subversion est dans le carré de verdure non soigné, devant sa maison. À moins que l'endroit, comme en transit et sans personne pour en assurer l'entretien, ne soit tombé à titre temporaire entre les mains d'agents immobiliers, eux-mêmes symboles absolus de la normalité.

Diller et Scofidio sont avant tout des architectes dont la vision dépasse les limites de leur métier. Ils posent en permanence un regard aigu sur la société dans laquelle ils vivent. Sinon comment imaginer un bâtiment en forme de couverture pliée ? Les ateliers de l'Eyebeam, dans le quartier de Chelsea, à Manhattan seront tout à la fois symbole d'une modernité "continuelle", en étages qui se déroulent avec la souplesse et la fluidité d'une matière textile docile, bien rangée, comme dans un placard de maison de banlieue.

Elizabeth Diller et Ricardo Scofidio sont en équilibre permanent entre dérision et rationalité. Avec "Master/Slave", leur installation superbe de robots qui défilent comme une sorte de "train électrique" dénonciateur, ils nous entraînent dans un inconscient aux connotations cliniques : tout est blanc dans cette grande vitrine. Seuls les robots, jouets multicolores, produits d'un univers consommatoire envahissant, circulent sur des rails, dans un cheminement déterminé et immuable, avant de passer devant un appareil "à rayons X" d'aéroport pour nous révéler leurs entrailles dérisoires. Ces deux artistes new yorkais n'hésitent jamais à nous coincer dans leur monde, celui d'observateurs impitoyables, tout en cherchant par tous les moyens une échappatoire architecturale, une respiration visuelle qui fait trop souvent défaut.

Cette exposition globale, parce qu'elle démonte de manière humoristique quelques mécanismes de nos sociétés de plus en plus uniformisées, est à la fois inquiétante et revigorante : elle nous met face aux réalités tout en nous offrant un peu d'optimisme avec des projets architecturaux qui tentent de concilier cette évolution inéluctable et le besoin d'aération visuelle et spatiale qu'elle suscite.

Alain Le Kim
New York, mai 2003, publication juillet


Whitney Museum of American Art, 945 Madison Avenue at 75th Street, NY 10021, New York, USA, du 1er mars au 25 mai 2003
Voir les sites  
www.arcspace.com/DillerScofidio/AberrantArchitecture/  -  www.whitney.org

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