Né en 1967, Pascal Broccolichi travaille depuis une dizaine d'années à partir de la matière sonore, sa perception du son est indissociable de sa diffusion dans un espace précis. Il construit donc des structures de dimensions variables, à l'intérieur de sites qui contribuent à l'identité de chaque œuvre. C'est le monde de l'inaudible qui nous entoure, que Pascal Broccolichi nous révèle grâce à ses installations.
résurgence verticale des sonorités prélèvements acoustiques |
Portrait de Pascal Broccolichi, © Stéphane Accarie
La conception d'une œuvre, pour un lieu donné, est précédée d'un protocole d'enregistrement de sons, ainsi que d'une collecte de vibrations habituellement imperceptibles pour une oreille humaine, qui néanmoins peuplent l'espace, avec les variations propres à chaque contexte. Pour ce type de collecte, il utilise des technologies diverses, micros, micros paraboliques, radiotélescope, capteurs sismiques, capteurs orbiphoniques.
Dial-O-Map 25°, Image de synthèse, © Pascal Broccolichi
Il y a trois ans, l'artiste était au Niger, il enregistrait les sons d'un puits artésien. Il fut impressionné par la résurgence verticale des sonorités de ce long tuyau. Retrouvant la même sensation dans la grande nef du capcMusée, il y prit des notes sonores et vibratoires durant deux ans. Ces prélèvements acoustiques, retravaillés par un programme informatique, constituent la matière première d'une sorte de portrait du musée, à travers une installation présentée dans la nef, jusqu'à octobre prochain. Le dispositif imaginé est fait d'acier, de voiles de PVC tendues et inclinées à 25° en conséquence des données acoustiques, elles sont disposées autour de la grande nef. Il y a également des structures de bois alignées dans l'axe des piliers centraux. Ce vaste volume a la forme d'une section de prisme, il est un immense résonateur, un abat-son à l'intérieur duquel le spectateur ne peut pas pénétrer. En revanche, il permet et optimise une diffusion sonore dans tout l'espace architectural. L'œuvre est visible dans sa totalité depuis la mezzanine, elle combine une certaine forme de monumentalité, elle invite le visiteur à prêter l'oreille. Ses sons et vibrations discrets, subtils sont restitués sur trente heures d'écoute. Lorsque l'on pénètre dans la nef par l'entrée principale, la puissante ligne, horizontale et extrêmement dense, est perçue comme un soubassement profond. Elle doit cette présence énigmatique et insondable à la formidable traction verticale qu'opèrent les piliers et les arches plantés au centre. Sous cette immense enveloppe vide de plus de 27 000 m3, ces deux axes de tension permettent la profondeur topique de la structure et l'expression optimale de la propagation des ondes sonores. Dans ce contexte spatial particulier, les bruits se défont de leur source, se redéploient de façon inattendue en empruntant des parcours singuliers, et différés à la fois. Si l'on regarde depuis les coursives, la structure à la forme d'un immense pavillon de 480m2 qui offre sa matière sonore émise depuis le centre du dispositif. Vu du sol, on voit une ceinture en suspension, sur laquelle les vibrations viennent rebondir sur la surface. Cet abat-son impose un déplacement autour du dispositif ; sans pouvoir en traverser le cœur, les visiteurs doivent monter sur la coursive, et à partir de ce déambulatoire voûté qui ceinture la nef, avoir une perception visuelle et sonore panoramique de Dial-O-Map 25°. Le spectateur surplombe une baie claire et ouverte, dans laquelle la sonorité se matérialise et se solidifie, depuis six réflecteurs concaves disposés sous les arches, tandis que la nef reste vide comme une salle blanche sous la lumière du plafond. De l'univers de cette enceinte, nous ne percevons que les rumeurs de fréquences résiduelles et la lueur qui cerne l'œuvre. Entrelacement de sons, de formes et de lumières qui se nouent et se dénouent, par un mouvement de flux et de reflux dans le regard subversif de l'observateur.
Pascal Broccolichi confie le son au silence et à l'architecture, pour y trouver sa densité et son éclat définitif. Le mélange des unités sonores que le visiteur écoute évolue en fonction de sa position dans l'espace. Il peut entendre un bourdonnement, sept secondes de réverbération, un bruit de fond ténu qui ne laisse aucune place au vide. L'oreille est immergée dans un continuum sonore, une trace qui devient rapidement familière. "Comme la plupart des installations que j'expose, celle-ci sera encore sans début ni fin, elle s'appréhendera à n'importe quel moment par le spectateur". Le visiteur regrettera le manque de sièges confortables, pour avoir le loisir de s'immerger davantage dans le décor sonore. Mais c'est un choix de l'artiste, car c'est une œuvre qui se contemple dans le mouvement. L'originalité de l'installation est d'être une machine à reproduire des sons, que Pascal Broccolichi peut moduler à distance et à volonté.
Dial-O-Map 25°, Vue de l'installation, © Gaëlle Deleflie
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